Il
est de ces pays qui ne laisse pas indifférent. Où se mêlent des
endroits qu'on adore et d'autres qu'on déteste. Qui s'entête à
jouer avec nos émotions. C'est le cas du Pérou.
Nous
y sommes rentrés par la petite porte. Celle qui n'est pas plaisante
à pousser. Nous avions choisi d’accélérer le pas en quittant la
montagne et en rejoignant la route panaméricaine qui longe la côte
désertique. Nous nous faisions une joie de rejoindre notre vieil ami
iodé, l'océan pacifique. Les retrouvailles furent désolantes. Sur
des centaines de kilomètres, c'est une décharge à ciel ouvert de
chaque côté de la route. Les camions en file indienne viennent y
vomir leurs cargaisons de détritus et de gravas. La terre est rendue
inutilisable à jamais. On dirait que l'homme a déclaré la guerre à
son environnement.
Nous
faisons une escale maritime à Pacasmayo et découvrons avec
étonnement qu'il s'agit d'un spot de surf mondialement connu. Nous y
croisons des étrangers spécialement venus glisser la fameuse vague
gauche, réputée la plus longue du monde. Curieux, nous partons le
lendemain à la découverte du fameux spot. Certes le rouleau est
beau, mais quelle désolation sur la côte. Nous avons du mal à
faire abstraction du chantier qui nous entoure.
Nous
continuons malgré tout sur la Panaméricaine. Un vent d'ouest
furieux rend la route non seulement désagréable mais un peu
dangereuse. Vers Trujillo, c'est le pompon! En contournant la ville
se succèdent bidonvilles, projets immobiliers abandonnés,
poulaillers déplumés au milieu des gravas de bâtiments déjà
détruits avant même d'avoir été finis. Nous longeons la plage,
quasiment inaccessible derrière une dune de déchets. La brume de
mer persistante, et typique de cette région du monde, ajoute au
sinistre de la scène. Le dernier faubourg au sud de la ville porte
bien son nom : Moche.
Nous
sommes abasourdis, à tel point que nous ne faisons pas arrêt dans
cette ville et dénigrons bêtement le site archéologique de Chan
Chan.
Après
la petite bourgade de Chao, nous bifurquons à l'est et quittons
progressivement le désert. La belle route asphaltée se transforme
en piste poussiéreuse à mesure que nous nous enfonçons dans la
vallée du rio Santa, oasis de verdure prisonnier des massifs
rocailleux. En milieu de journée, nous atteignons le fameux et
impressionnant cañón
del pato. Au détour d'un de ses nombreux tunnels creusés à même
la roche, nous découvrons les premiers contreforts de la majestueuse
cordillère blanche. Le changement de paysage et de climat est
saisissant.
Nous
redécouvrons les joies du camping près du village de Villa Sucre.
Les habitants sont accueillants et nous indiquent un peu plus haut un
champ tranquille bordé d'eucalyptus. C'est l'endroit parfait. La vue
porte sur les sommets enneigés de la cordillère, le feu de camp et
la fraîcheur nocturne nous remémorent notre bon temps en Alaska.
A
Yungay, c'est jour de marché. Nous nous perdons au milieu de la
foule bariolée. Les différentes ethnies se distinguent à la forme
et la couleur de leur chapeau. Nous en comptons une dizaine
différente. C'est tout de même moins que les variétés de pommes
de terre présentes sur les étals.
Sur
les conseils d'un motard Allemand croisé en Equateur, nous nous
élançons à travers la cordillère sur une piste caillouteuse. Tout
en virages, le sentier monte et nous emmène au cœur d'un écrin montagneux. Nous plantons notre tente près du lac Llanganuco à 3900
mètres. La vue est imprenable sur les sommets environnants et la
ballade digestive nous fait découvrir une flore extraordinaire. La
nuit sera froide et humide. Au petit matin, notre bâche protectrice
est raidie par la gelée mais le ciel s'est dégagé et nous offre
son plus beau spectacle. La montée jusqu'au col à 4900 mètres est
épique. Les derniers lacets se font sur la neige et nous n'avons pas
assez de nos yeux pour apprécier la beauté qui nous entoure. Les
lacs verts émeraudes, les falaises de granit abruptes, la végétation
aux couleurs insolentes et l'Alpamayo, cette montagne parfaite, comme dessinée par un enfant, nous apparaissent comme un tableau
imaginaire. Nous sommes d'accord pour dire qu'il s'agit d'un des plus
beaux paysages que nous ayons jamais vu.
Sur
l'autre versant, le spectacle est tout aussi saisissant, et les sens
en éveil, nous rejoignons le village tranquille de Yanama. Nous
recevons un bel accueil de la part des habitants qui sont autant
intrigués par notre moto que nous le sommes par leur culture. Au
petit matin, après un bol de quinoa chaud avalé, nous repartons à
travers la montagne sur une piste encore plus étroite.
Malheureusement le brouillard se lève et nous gâche la vue sur les
glaciers avoisinants. Vers 4000 mètres, au milieu des champs de
patates et des moutons, la moto se met à fumer et une odeur de
plastique brûlé nous alerte. Tout de suite nous coupons le contact.
Après avoir enlevé le carter, le problème est vite trouvé, les
fils électriques ont prit feu suite à un court circuit (les
fusibles eux sont intacts). On a frôlé l'incendie, les dégâts sont
importants et il va falloir refaire quasiment tout le câblage. Nous
voilà dans de beaux draps! Impossible de continuer, il nous faut
rallier le prochain village. Où est-il? Nous croisons alors
Prosperino, habitant du village voisin et lui expliquons la
situation. Pas de mécano avant Chacas, dit-il, à 30 kilomètres
(soit deux bonnes heures de route dans ces chemins sinueux). Bientôt
d'autres villageois se joignent au conseil et nous proposent deux
solutions : utiliser le tracteur de la paroisse ou bien attendre le
prochain minivan. Nous optons pour ce dernier. Même pas peur, on
démonte les sièges du van et embarquons la moto, amarrée de
manière approximative. Nous voilà en route avec nos compagnons
porteurs sur une route à flanc de montagne encombrée de moutons.
Belle surprise, cet arrêt forcé à Chacas sera l'occasion de
visiter ce joli village authentique encore oublié du tourisme
(jusqu'à quand?). Ce sera aussi l'occasion de manger notre premier
Cuy (cochon d'Inde) arrosé de vin Péruvien. Grâce au mécano et à
l'aide villageoise, nous repartons après une nuit réparatrice des
émotions vers les cimes Andines. Le temps n'est malheureusement pas
avec nous et passons à la Punta Olimpica
(le tunnel le plus haut du monde à presque 5000 mètres) sous
une pluie glaçante. Nous poussons jusqu'à la capitale provinciale
Huaraz et prenons un repos mérité dans cette ville à l'accent
gringo. On s'y accorde des petits plaisirs d'occidentaux avec de
bonnes bières artisanales et des pizzas au feu de bois. Que
d'émotions vécues. Terre de contraste. Le Pérou vient de nous
offrir en quelques jours son pire et son meilleur.
Il
est temps pour nous de rejoindre Lima, où nous sommes attendus par
Claude, une amie de fac de Justine. Pour rejoindre la côte, nous
traversons les paysages de vallées profondes et de désert que nous
connaissons déjà. Il nous faut plusieurs heures pour rentrer dans
la tentaculaire capitale et rejoindre la banlieue sud de Chorillos. La
circulation est impossible dans cette mégalopole de neuf millions d'habitants, soit près d'un tiers de la population Péruvienne. Nous
ne sommes qu'au début de nos déboires circulatoires. Nous sommes
accueillis à bras ouverts chez Françoise, la maman de Claude, qui
nous hébergera très généreusement dans sa belle demeure pendant
quasiment une semaine. Nous nous sentirons comme à la maison,
partageant repas, discussions et soirée anniversaire dans une
ambiance chaleureuse.
Nous
retrouvons Claude, son compagnon Guillermo et leurs deux petites
jumelles chez eux à Lurin, à
une heure au sud de Lima. Justine est contente de retrouver son amie
dans son pays d'origine. De la biologie marine, elle s'est
reconvertie en gérante d'un centre équestre. Ici on monte des
chevaux de Paso, race Péruvienne au pas singulier, particulièrement
bien adaptée à la ballade. Nous enfourchons nos nouvelles montures
sans moteur. Braves bêtes, nous n'avons pas le permis mais elles se
conduisent toutes seules. Nous partons pour une promenade en bord de
mer. Nous sommes ravis de partager ce moment avec Claude mais triste
qu'ici comme ailleurs l'Homme ne respecte pas la nature. C'est
d'ailleurs un de ses combats quotidiens que de sensibiliser les
habitants et les cavaliers à la préservation de leur environnement.
Nous lui souhaitons bonne chance.
En
revenant à la capitale, la chaîne de la moto se brise à deux pâtés
de maison de chez Françoise. Nous devions justement la changer. Mais
trouver des pièces Kawasaki et un garage compétent s'avère
difficile, qui plus est à pied! Nous écumons les garages au quatre
coins de la ville, façon peu agréable de visiter les différents
quartiers, pas toujours fréquentables.
Nous
faisons nos adieux à Claude et à Françoise. Un grand merci. Nous
souhaitons à présent retrouver les Andes via la région de
Yauyos, méconnue et pourtant incroyablement belle. Nous arrivons au
petit village de Huancaya après avoir longé le rio cañete.
Si la rivière enchantée existe, nous y sommes. Cascades
magnifiques, eaux cristallines et lacs vert émeraude, la vallée est
sublime. Nous sommes tentés de l'explorer jusqu'au bout mais la
piste est difficile et le temps nous manque.
Plus
à l'est dans le canyon de Uchco, la route est si étroite que les
parois des falaises se touchent presque. En levant les yeux, nous
pensons apercevoir un condor majestueux. Instant magique et rare tant
l'oiseau se fait discret malgré son envergure record de plus de
trois mètres. Nous prenons de la hauteur en arrivant dans la
province de Huancayo et, sur les terres brûlées au dessus de 4000
mètres, rencontrons des troupeaux de lamas et alpagas aux têtes
sympathiques.
Autant
nous sommes fascinés par la campagne et les communautés rurales,
autant les villes péruviennes nous apparaissent souvent misérables
et repoussantes. Les immeubles ne sont pas finis, rien est homogène,
les rues sont sales et bruyantes et la population semble perdue.
Comme dans beaucoup de pays en voie de développement, la machine
urbaine semble aller trop vite. Les habitants paraissent bloqués sur
le quai du désarroi après avoir raté le train de la modernité.
Les
jours qui suivent sont un peu longs, la cordillère se fait plus
aride et moins attrayante. La route toute en virage et à voie unique
est stressante. Nous jouons du klaxon et de prudence pour éviter les
fous du volant péruviens. Nous trouvons toutefois des auberges, même
dans les endroits les plus reculés. Le prix de la chambre donne une
idée de l'isolement et de la qualité du service. A quatre euros la
chambre double, il ne faut pas s'attendre à beaucoup de luxe. A
Chumbes, Nous faisons remarquer au patron de l'hôtel qu'il manque
une fenêtre.
Ben
voyons! Après tout, nous ne sommes qu'à 3500 mètres d'altitude et
un bon petit 3 degrés nous attend pour la nuit. Qu' à cela ne
tienne, nous dégotons un vieux matelas en mousse dans le foutoir
ambiant et calfeutrons le trou béant.
L'envie
de parcourir la montagne au pas lent du randonneur nous tente. A
Abancay, nous faisons le plein de vivres et d'équipements pour
partir marcher en toute autonomie pendant quatre jours. Nous avons
l'intention de rejoindre le site Inca de Choquequirao. Il n'est
accessible qu'à pied, particularité qui le préserve du tourisme de
masse. Le départ se fait depuis le charmant village de Cachora où
nous laissons notre moto chez Marcelino. Nous sommes un peu rouillés
par deux mois de moto et autant d'inactivité sportive. Quel
décrassage! Nous ne nous attendions pas à si dur. Soixante-cinq
kilomètres et 7200 m de dénivelé cumulé. Aïe! Le premier jour
est terrible et nous atteignons le bivouac du soir épuisés. Sans
mules pour nous aider, le poids des sacs est un vrai handicap. Nous
rencontrons d'autres marcheurs, la plupart français, et partageons
ensemble le goût de l'effort. Quelle récompense en apercevant les
premières pierres et terrasses du site archéologique. Nous sommes
seuls, la lumière du soir est magique et la vue porte à trois cent
soixante degrés sur des pics enneigés et des vallées verdoyantes.
C'est magnifique. Mais quand même, quelle idée de venir aussi haut
pour s'installer! Les mollets tremblotants, on ne peut s'empêcher
de penser : ils sont fous ces Incas! Tout courbaturés mais heureux
de l'avoir fait, nous retrouvons notre moto et un lit douillet. Au
creux de nos rêves, nous poursuivons notre voyage aux côtés des
Incas.
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Vallée oasis |
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Maison de sable |
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En demandant son chemin |
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Accueil canin |
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Feu de camp |
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Lever de lune |
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Concours de chapeaux |
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Vert émeraude |
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Campement humide |
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Lupin sauvage |
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Au cœur de l'écrin |
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Pub Milka |
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Pays des merveilles |
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Motard heureux |
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Scène de village |
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Dépanneuse |
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Jour de paye |
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Y'a du swell! |
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Avec Françoise et Claude |
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Garage équin |
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Chevauchée fantastique |
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Vallée enchantée |
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Beauté en cascades |
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Eaux tranquilles |
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Canyon de Uchco |
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Plaine à lamas |
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Patchwork de quinoa |
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La rivière désenchantée |
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Carglass répare, Carglass remplace |
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Photo de famille |
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Campagne Péruvienne |
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Carte postale |
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Gare aux mollets! |
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A la chasse aux papillons |
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Terrasses Incas |
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Billeterie |
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Site de Choquequirao |
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Lamas de pierre |
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Bézot des Andes |
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On l'a fait! |