Le trek de Choquequirao
nous a donné envie d'enquêter sur le mystère Inca. Cette
civilisation s'étendait sur un territoire gigantesque, couvrant une
grande partie des Andes, de l'actuelle Colombie jusqu'au centre du
Chili. Comme pour l'empire Aztèque, c'est l'arrivée des
conquistadors au début du XVIè siècle qui scellera leur
sort. Aujourd'hui de nombreux sites attestent de la grandeur et du
savoir du peuple Inca. Nous nous rendons dans l'ancienne capitale de
l'empire, Cuzco.
Entre ruines Incas et
bâtiments coloniaux, la ville possède un charme indéniable, certes
un peu dénaturé par le flot incessant de visiteurs. D'autres
trésors nous attendent en dehors de la ville et plus précisément au
sein de la fameuse "vallée sacrée". Sur près de cent
kilomètres, s'échelonnent des dizaines de sites archéologiques
dans un décor andin somptueux. Le site de Moray nous intéresse
particulièrement. On y trouve des terrasses circulaires à
l'esthétisme intrigant. Les archéologues pensent qu'il s'agissaient
d'un centre de recherche agricole, la position et l'altitude des
terrasses créant toute une variété de microclimats propices à
l'expérimentation des agronomes (de l'INCA et non de l'INRA!).
Plus loin à
Ollantaytambo, nous découvrons une ancienne forteresse surplombant
un joli village aux rues étroites. Ici on peut admirer le talent et
le savoir-faire des bâtisseurs Incas. La technique de taille et
d’enchevêtrement des pierres est parfaite. Des blocs de plusieurs
tonnes s'encastrent avec une précision digne d'une coupe au laser.
Un vrai mystère.
Nous sommes à quelques
kilomètres du prestigieux Machu Pichu, site sacré des Incas et
merveille du monde. Pourtant nous ne nous y rendrons pas, de peur
d'être noyés dans la masse de touristes et de perdre la magie du
lieu. Nous choisissons de regarder un beau documentaire sur le sujet
et ainsi préservons le lieu d'une dégradation déjà entamée.
Nous prenons du plaisir à
nous balader au hasard des chemins dans cette région du Pérou. Qui plus est, nous recevons un bel accueil de la population et les repas quotidiens sont réconfortants. Entre deux plats de patates, de quinoa ou de lama, nous nous amusons de la décoration hétéroclite des gargotes, où se mêlent dessins d'enfants, calendriers de routiers et icônes religieuses. Mais
l'horloge tourne, voilà un mois que nous sommes dans ce beau pays,
il est temps de nous diriger vers la Bolivie. Nous montons ainsi
véritablement sur l'altiplano, ce plateau d'altitude grand comme la
France, cousin américain du Tibet. Nous ne le quitterons pas pendant
trois semaines. Nous sommes stoppés dans notre élan à Ayaviri. On
nous annonce que les routes menant à la frontière Bolivienne sont
coupées par des manifestants. La population proteste contre le
développement d'un projet minier dans la province. C'est aussi
l'occasion d'exprimer un ras le bol plus global sur l'état du pays.
Nous avons déjà été témoins de tels mouvements sociaux en
Amérique latine où les gens défendent (parfois violemment) leurs
droits, leurs terres et leurs vies.
Au village de Lampa, le
pont est effectivement bloqué. Mais, voyant notre compréhension
face à leurs revendications, les manifestants nous aident à porter
la moto pour traverser la rivière. Nous voilà en route vers Puno,
sur les rives du lac Titicaca. Un rêve d'enfant se réalise. Rêve
un peu terni devant l'apparence peu flatteuse de la ville.
Nous passons la frontière
à Yunguyo et traversons le magnifique lac sur un bac de fortune.
C'est chez Milton, à Achacachi, que nous faisons notre première
étape Bolivienne. En ville, c'est jour de foire, l'alcool coule à
flot et ajoute du tragique à la pauvreté déjà frappante. Chez
notre hôte nous retrouvons trois autres couchsurfeurs, tous
argentins. Nous partons tous ensemble le lendemain à l'assaut de la
cordillère royale... en taxi. Une crevaison et quelques arrêts
d'urgence plus tard nous atteignons un lac à presque 5000 mètres
d'altitude et continuons à pied vers les pentes du glacier Kasiri.
Les paysages sont grandioses et la vue porte à l'infinie. Ce même
ciel azur et pur nous accompagnera tout au long de notre traversée
de la Bolivie. Il sera aussi synonyme de grand froid!
Nous rejoignons la Paz.
Le tas de briques le plus haut du monde. Depuis El Alto, le faubourg
nord, nous n'apercevons pas une seule maison terminée. La capitale
semble en chantier. En ville, c'est assez chaotique et nous nous
frayons un passage au milieu des rues encombrées de vendeurs
ambulants. Notre hôtel, bien qu'onéreux pour le service, ne possède
pas de chauffage. Nous verrons bien vite que c'est une constante en
Bolivie. Mais pourquoi donc? Manque de combustible? Certes le bois
manque dans ce désert. A quand une chaudière fonctionnant aux
bouses de lamas? Voilà un filon, avis aux jeunes ingénieurs
motivés!
Fatigués par l'altitude
et par le froid, nous trouvons du réconfort à l'Alliance Française
où l'on passe une demi-journée à lire des Astérix. Un peu
honteux, nous arpenterons quand même quelques belles rues et musées,
notamment celui de la coca. La plante sacrée des Incas, aux vertus
stimulantes et coupe-faim, est malheureusement plus connue
aujourd'hui pour son utilisation sous forme de drogue.
Une fois de plus, cette
escale citadine nous permet d'acheter des pièces pour la moto. Au
magasin, Robin, à l'accès british, nous interpelle : "Je
connais cette moto!". Il a déjà réparé la bécane l'année
dernière à Uyuni où il possède un petit garage. Il nous y donne
rendez-vous la semaine qui suit et nous file quelques bons conseils
pour la route. C'est ainsi que nous prenons le parti de quitter
l'asphalte et de nous engager à partir de Huari sur les traces du
Dakar. Sept-cent kilomètres de piste qui doivent nous mener
jusqu'au Chili.
A quelques encablures du
mythique salar d'Uyuni, dans le petit village de Jirira, il est hors
de question de planter la tente. Le froid est paralysant. Nous
trouvons une chaleur toute relative dans la seule auberge du bled.
Petit problème au matin, nous n'avons pas assez d'argent pour régler
la nuit et devons vendre notre jerrican d'essence. Pourvu que nous ne
tombions pas en panne sèche en plein désert de sel.
Notre entrée sur le
salar est aussi grandiose que nous l'imaginions. Une immensité
blanche nous éblouie et après quelques kilomètres nous perdons nos
repères. Nous sommes comme des bretons qui voient pour la première
fois la neige. C'est aussi un rêve de motard, mais à vrai dire la
conduite a peu d'intérêt, hormis celui de conduire les yeux fermés
ou de tester la pointe de vitesse. Chose que nous ne ferons pas car
au delà de 80 km/h, les doigts de pieds gèlent instantanément.
Sur une "île"
au milieu de cette mer de sel, nous trouvons un spot de pique-nique ahurissant. Pour saler nos pâtes, nous n'avons qu'à nous pencher.
Deux cents kilomètres dans ce désert blanc, quelle journée
mémorable! A Uyuni, nous retrouvons Robin. Après un lavage en règle
de la moto (primordial pour éviter les problèmes électriques dus
au sel), nous dînons ensemble accompagnés d'un jeune motard Allemand
qui nous explique ses déboires. Après être resté bloqué dans la
boue en entrant dans le salar, il dû dormir dehors dans le froid
glacial et marcher près de quarante kilomètres jusqu'au prochain
village. L'histoire est parfois plus tragique pour les aventuriers
imprudents.
Justine est malade et
nous décidons de rester quelques jours tranquille avant de reprendre
la piste. Nous souhaitons traverser la province de sud Lipez. Isolée,
désertique, presque hostile, c'est une vraie terre d'aventure. Il
s'agit d'ailleurs d'un des hauts lieux de passage du rallye Dakar, on
va comprendre pourquoi...
Le matin de notre départ,
le thermomètre descend à -19°C. Voilà qui donne le ton. Nous nous
couvrons comme des oignons, en multipliant les couches. C'est ainsi
que nous partons pour trois jours de piste plutôt éprouvantes. Du
sable, des cailloux, des cols à 5000 mètres et aucune maison ou
presque pour trouver refuge et s'approvisionner.
Le premier jour est
difficile, Gautier apprenant le pilotage enduro et Justine ayant
toujours la goutte au nez. Mais le deuxième jour, la magie des
paysages et la lumière unique l'emporte sur la fatigue. Nous
arrivons à la fameuse Laguna Colorada où nous observons des
flamands roses. Mais que font-ils là à se geler le croupion? Certes
c'est beau mais par -10°C, en plein vent et sur une patte, c'est
carrément du masochisme.
Nous avions noté la
présence d'un refuge à cet endroit. Nous sommes surpris de le
trouver presque au complet, n'ayant croisé aucune âme humaine de
toute la journée. Nous passons une bonne soirée en compagnie d'une
fine équipe de cyclotouristes franco-italiens. Malgré notre vélo
motorisé, nous nous sentons cyclistes et retrouvons ici des
compagnons qui partagent nos valeurs du voyage. Quel courage (ou
folie) de tenter cette traversée en hiver à vélo! La veille ils
ont dormi dehors à 5000 mètres. Cette nuit tous dormiront sous un
toit, mais le mercure sera tout juste au dessus de zéro dans les
chambres. Bon courage à vous les gars!
Inutile d'essayer de
partir aux aurores, avec ce froid la moto ne démarrera pas. La
batterie dort et l'huile est figée. La technique locale consiste à
la mettre en plein soleil dès les premiers rayons et à attendre
quelques heures bien au chaud avant de partir.
Le troisième jour, la
piste disparaît presque, et nous naviguons au GPS à travers la
rocaille et les congères de neige. Nous sommes entourés de
merveilles mais, engourdis par le froid, nous n'en profitons guère.
En milieu de journée, nous atteignons les sources d'eau chaude de
Polques. Nous ôtons nos peaux d'oignons et plongeons dans le
bouillon. C'est l'extase. Amusés par notre béatitude, un couple de
retraités vendéens, voyageant en 4x4, dépose dans la botte de
Gautier une boîte de sardines artisanales de leur région. "Ça
vous fait plaisir?". Le Bonheur!
Quelques merveilles plus
loin, nous atteignons la frontière bolivienne, au milieu de nulle
part. Les filous, le bureau des douanes a déménagé, il est à 80
kilomètres d'ici (soit une bonne demi journée de galère). Après
négociations et lamentations, l'officiel nous propose d'aller
déposer le permis d'importation pour nous. Mon œil! Voilà une
bonne excuse pour nous racketter quelques bolivianos.
Nous voilà au croisement
de trois pays, la Bolivie, le Chili et l'Argentine. Quelle route
prendrons nous?
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On fait le mur |
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Touche de modernité agricole |
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Affiches électorales. "Votez Poulet!" |
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Champs d'expérimentation agricoles |
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Félin à l'affût |
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Danses traditionnelles |
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C'est du beau boulot! |
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Ollantaytambo |
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Génie Inca à Pisac |
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Plumeaux de quinoa |
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Winny, la vierge et barbie |
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Elevage d'altitude |
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Le fameux lac Titicaca |
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Bac de fortune |
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Ça chauffe! |
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En chemin vers le Kasiri |
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Bleu turquoise |
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Taxi de luxe |
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Le tas de briques le plus haut du monde |
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Chauffe-main |
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Perdue! |
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Passe moi le sel! |
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L'île mystérieuse |
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C'est parti pour 700 km de piste |
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On ne passe pas!! |
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Laguna colorada |
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Instant calme |
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Brochette franco-italienne |
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Le Bonheur! |
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De roc, de sel et de glace |
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Terre d'aventures |
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Au rayon surgelé... |
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Gauche ou droite? |