Notre escapade de
quelques jours dans la péninsule de Kenai avait aussi valeur de
test. Réussi ! Nous sommes fin prêts, équipés pour traverser
le continent et confiants envers notre van (surnommé Yakari) qui
nous a montré une furieuse envie d'avaler les kilomètres.
C'est ainsi que le 17
août, nous larguons les amarres. Aurevoir Anchorage, notre port
d'attache, où nous avons caboté près de quinze jours. Aurevoir
Chris, notre nouvel ami qui nous aura tant offert.
Nous ferons les premiers
kilomètres avec lui, jusqu'au glacier Matanuska. Une journée à
escalader ce géant bleu, en guise d'adieu.
Puis nous mettons le cap
au nord. Malgré notre émerveillement, nous n'avions fait,
jusqu'ici, qu'effleurer l’immensité de l'Alaska sauvage. Notre
arrivée au Parc Denali nous plonge dans une autre dimension.
De la toundra à perte de
vue, magnifiée par les couleurs d'automne qui déjà s'invitent. Des
rivières glacées qui serpentent dans des lits trop grands à cette
saison. Et au loin, quand le vent veut bien chasser les nuages, des
glaciers par dizaines et le majestueux Mont Mac Kinley, point
culminant de l'Amérique du nord.
Au milieu de ce tableau, un chemin,
un seul. Nous l'emprunterons sur quelques dizaines de kilomètres
jusqu'à un lieu dit au nom chantant : Igloo creek. Nous en
ferons le point de départ d'une marche de trois jours, en autonomie.
Le Parc Denali a ceci de particulier qu'il ne possède aucun sentier
de randonnée. Le parc délivre des permis en nombre limité aux
marcheurs souhaitant s'y aventurer, une centaine par jour pour un
territoire grand comme la Belgique. Munis d'une carte au 1/25.000, de
notre tente flambant neuve, d'un « bear can » pour nos
vivres et des conseils avisés des rangers, nous partons tout sourire
« into the wild ».
Bien vite, nous nous rendons compte
que la balade ne va pas être de tout repos, le terrain est beaucoup
moins hospitalier qu'il n'en a l'air. Entre forêt dense, buissons de
myrtilles, tapis de mousse de trente centimètres, marécages et
torrents à traverser, notre progression est très lente. Le plus
efficace se révélera de suivre les sentiers de passage d'animaux,
non sans une certaine appréhension. Mais au final nous ne verrons ni
ours, ni loups, ni autre grand mammifère. Peut être avons nous trop
bien appliqué les conseils des rangers en frappant des mains et
chantant à tue-tête à chacun de nos pas.
Malgré la difficulté de
la marche et les nuits très froides et humides, nous garderons un
souvenir fort de ces trois jours en pleine nature. Quelle récompense
en fin de journée lorsque nous montons la tente en haut d'un
escarpement rocheux. Très vraisemblablement, aucun homme n'a jamais
foulé cet emplacement. Partout où la vue porte, c'est la nature
sauvage et le silence.
Ayant rejoins la route
principale, nous hélons un bus de touristes pour qu'il nous ramène
à l'entrée du parc national où nous avons laissé Yakari. Nous
devons ressembler à des naufragés car on nous offre à manger. Les
passagers s'enthousiasment de notre aventure, eux qui ne parcourent
le parc que derrière une vitre pendant quelques heures. Vous avez dû
en voir de la faune et de la flore ? Euh oui des moustiques et
des champignons !
Après une bonne nuit
réparatrice dans notre chaleureux van, nous reprenons la route vers
le nord, au delà du 65è parallèle, où l'on espère voir des
aurores boréales (nous n'en verrons pas). Nous filons sur les pas de
Jack London vers des contrées qui ont fait rêver des générations
d'aventuriers (Fairbanks, Dawson city) et d'autres aux noms moins
évocateurs (Tok, Chicken, Mayo).
Sans vraiment le vouloir,
nous allons au fil des kilomètres, retracer le chemin des pionniers
américains venus chercher fortune et fuir la récession lors de
grande ruée vers l'or du Klondike. C'est à l'été 1896 que tout a
commencé. Dans le petit ruisseau de Bonanza, affluent du Yukon,
quelques hommes tombent sur un trésor : un filon d'or
exceptionnel. Le secret sera bien gardé pendant un an, jusqu'à ce
que les premiers chanceux ne débarquent sur la côte ouest
américaine les poches bourrées d'or. Aussitôt la rumeur enfle et
des milliers d'hommes entreprennent le long voyage qui mène à
Dawson City. La plupart de ces quelques 50.000 aventuriers
emprunteront « la voie du pauvre ». Partant de Seattle en
bateau, ils longeront la côte Canadienne et les fjords du sud-est de
l'Alaska jusqu'à Skagway. De là ils gagneront par une marche longue
et périlleuse les rives du Yukon où, sur des radeaux de fortune,
ils rejoindront la foule de malheureux déjà affairés à fouiller
les boues de la rivière Klondike. La plupart ont mis près d'un an
pour compléter ce voyage, nous allons faire le même (en sens
inverse) en quelques semaines.
Dawson city est la
première ville sur notre route après la frontière Canadienne. Nous
sommes dans le territoire du Yukon : 0,01 habitant/km2.
La naissance de Dawson city a été comme l'histoire de la ruée vers
l'or, aussi extraordinaire qu'éphémère. Pas même un point sur les
cartes en 1896, on y comptait plus de 30.000 habitants deux ans plus
tard (soit la plus grande ville de l'ouest Canadien au nord de
Vancouver). Aujourd'hui ils ne sont plus que 2000 à y vivre à
l'année. Coupé du monde pendant près de huit mois par un hiver
glacial, la ville revit en été avec les jours qui rallongent et les
touristes qui reviennent. La plupart des bâtiments sont d'époque ou
ont été restaurés et on ressent encore une ambiance de far west en
parcourant les rues poussiéreuses. Même sentiment dans les saloons,
la patronne nous aboie dessus et le pianiste est mort, mais ici point
de folklore.
Après cette charmante
escale, un instant tenté de passer le cercle polaire en allant vers
Inuvik, nous optons pour l'option la plus sage et nous dirigeons vers
Whitehorse. La route est longue, assez monotone et les quelques
villages (stations services) traversés sont peu accueillants.
Toujours pas d'ours à l'horizon, mais le soir venu, au coin du feu,
nous conversons avec des castors.
Nous décidons de rouler
jusqu'à Skagway, avec dans un coin de la tête l'idée de rallier la
Colombie Britannique en ferry, comme à la grande époque. La ville
se situe au bout d'un fjord majestueux, surplombé par des glaciers.
Le décor en impose et devait effrayer les aspirants chercheurs d'or
qui s'y sont aventurés. Songez qu'il devait transporter jusqu'au
fleuve au delà du col Chilkoot plus d'une tonne de vivres et de
matériel nécessaire pour la suite du voyage vers Dawson city. Une
marche de 60 kilomètres dans la montagne qui leur prenait donc des
mois compte tenu des allers-retours.
A peine arrivés en
ville, nous partons en quête d'informations sur les bateaux
rejoignant Prince Ruppert. C'est déjà la fin de saison, il reste
peu de ferry assurant la liaison. Le prochain et dernier part le
jeudi 4 septembre au petit matin. Ce voyage maritime sur la trace des
pionniers, nous emmènera dans des endroits inaccessibles autrement,
et nous évitera un détour de 1600 kilomètres par la route. Peut
être verrons nous des baleines, des orques ? A coup sûr des
paysages magnifiques. Rendez-vous est prit.
Nous avons donc quatre
jours devant nous pour visiter les environs. La ville a eu la même
destinée que Dawson city, on y retrouve une architecture similaire
et un certain parfum d'aventure. A ceci prêt que dans l'ancienne
cité d'or, les bateaux de croisière ne débarquent pas 6000
touristes à l'heure. Nous trouvons un peu de calme du côté de
l'ancien village de Dyea où nous prenons du repos. Bien au chaud
dans notre van garé sur la plage, un bouquin entre les mains, les
phoques de l'autre côté de la vitre. Nous ferons une rencontre
insolite un soir où nous cuisinons du saumon au bord d'une
rivière... Jonathan est un biologiste de l'université de Fairbanks,
il recense les espèces de chauve-souris dans les environs. Il a
besoin d'aide, nous voilà ses assistants pour une nuit de piégeage
de batman.
Enfin il est l'heure.
Notre ferry nous attend. Réveil en sursaut, l'excitation du départ.
Les sacs sont bouclés : trois jours de vivres préparés la
veille, paire de jumelles, tente et sac de couchage pour dormir sur
le pont du bateau. Allez en route ! Contact. Rien. Lumière.
Rien. La batterie est à plat ! Panique ! Nous partons en
courant jusqu'à l'embarcadère informer l'équipage. Il est 4h00 du
matin, personne pour nous aider, où sont ces foutus croisiéristes ?!
Après quelques bidouilles à la frontale sous le capot, il faut se
rendre à l'évidence. Nous allons rater le dernier ferry, nous
sommes restés à Skagway cinq jours pour rien, nous allons peut être
voir nous passer sous le nez 800 dollars de réservation, notre van
est en panne et il n'y a pas de garagiste à moins de 150 kilomètres.
C'est le drame !
Salut les aventuriers! Je scotche sur les photos qui sont juste magnifiques, l'appel de la foret resonne jusqu'au Myanmar... Envoyez vite vite des news de Yakari et de ses occupants... La bise! Yann
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