Sur la route...

dimanche 8 mars 2015

Les copains d'abord

Trente-six heures. Trente six heures de bus fumant (et puant) entre Guatemala et Managua. Un cauchemar.
L'option la moins chère (pas la plus simple) pour se rendre à Cuba consistait à rejoindre le Nicaragua et prendre un vol depuis Managua, la capitale. Il nous a donc fallu traverser le Salvador et le Honduras en mode express, ce qui au vu de la réputation sulfureuse de ces deux pays, était une option sage. Toutefois nous avions sous-évalué la rudesse de l'épreuve : 800 kilomètres dans ce qu'on appelle un chicken bus (sorte de boîte de sardine roulante) et trois frontières à traverser. On nous avait annoncé 20 heures de voyage, nous étions prêts. Mais nous jouons de malchance... Avant même la frontière Salvadorienne, au milieu de nulle part, le bus tombe en panne. Sur ces anciens bus scolaires américains reconvertis, le moteur est à l'intérieur. Pendant onze heures, le chauffeur s'improvise mécano et tente de bidouiller la pompe à injection. Nous suivons l'opération, bruits et odeurs comprises. Nous suffoquons. A la surprise générale, le bus reprend sa course folle vers 4h00 du matin, nous n'avons pas dormi. S'ensuit l'épreuve des douanes et son racket organisé. Peu avant Leon, nouvelle panne ! Nous perdons patience, les passagers locaux également, c'est dire ! Mutinerie ! Nous nous organisons pour faire venir des navettes et nous rendre à Leon. Escale forcée d'une nuit dans cette ville coloniale que l'on n'a même pas envie de visiter. Nouveau transfert le lendemain pour notre destination finale, encore trois heures de bus à nos frais.
Nous arrivons éreintés à Managua. Nos vélos n'ont pas plus apprécié le voyage que nous : dérailleur cassé pour Justine, il manque une pédale pour Gautier. 35°C à l'ombre, vent de face, nous enrageons. Un dernier effort de mono-pédalage nous amène chez notre hôte : Elizabeth. Elle est absente pour le moment, mais a laissé sa porte ouverte pour nous. Nous somme évidement en retard. Comble de malheur, elle s'est fait cambriolée pendant ce laps de temps. Bon, allons nous coucher...
Elizabeth est Française, elle a beaucoup voyagé. Elle est installée avec sa fille depuis deux ans au Nicaragua, son pays de cœur. Gentiment, elle accepte de nous héberger pendant notre passage à Managua et de garder nos vélos pendant deux semaines durant notre séjour à Cuba. Un grand merci.
Conscients de tourner une page, nous bouclons notre valise, impatients de retrouver les copains. On à l'impression de partir en vacances (comme si on n'y était pas déjà!).

Nous volons via Panama. En une heure et demie, nous effectuons le trajet qui nous prendra vraisemblablement un mois et demi à parcourir à vélo à notre retour. On fait nos repérages.
A notre arrivée à l'aéroport de la Havane, les taxis se bousculent. Les yeux de Gautier brillent devant ces vieilles dames : Chevrolet, Cadillac et Plymouth des années 50. C'est finalement une vieille Lada qui nous prend, moins glamour ! Direction Habana Centro, dans la casa Aleido où Thomas nous attend. Retrouvailles heureuses et gourmandes, l'ami ayant prit soin de disposer sur notre lit des victuailles réconfortantes : rillettes, pinard, gavottes et autres douceurs au bon beurre. Cela confirme l'adage bien connu : « En vacances, toujours avoir un Thomas avec soi ».
Il nous reste trois jours avant qu'Erwan ne rejoigne la troupe. Nous sommes sous le charme dès nos premières sorties dans la ville. L'atmosphère est clairement particulière. Voitures d'un autre temps (Gautier aperçoit même une Minsk!!), immeubles coloniaux en ruines, commerces inexistants ou presque, et aucune publicité pour trahir le rêveur. A quelle époque sommes nous ?
1959 ? 2015 ? Rien a changé ou presque. Depuis la révolution menée par les idolâtrés commandants Castro, Guevara et Cienfuegos, le pays prospère à sa façon (et à sa vitesse) en suivant l'idéologie communiste. Pour comprendre un peu mieux l'histoire du pays, nous décidons de visiter le musée de la propagande, euh pardon de la révolution.
En soirée, nous sommes un peu déçus, nous rêvions de musique cubaine et de salseros à chaque coin de rue. Rien. On ne nous propose que des soirées toute faites pour touristes avec Buena Vista Social Club qui semble se produire à la même heure dans chaque bar du centre ville ! Dommage. Nous nous consolons autour d'un verre de Havana club dans nos chambres de la Casa Aleido au décor plus que kitsch.

Nous avions réservé une voiture par internet. Attention pas une voiture chinoise, arrivée en masse sur l'île ces dernières années. En bon patriote : une française, une pigeot ! Le loueur tente de nous refourguer un pneu lisse, embargo oblige, il y a pénurie de caoutchouc ! Direction l'aéroport pour aller chercher Erwan. Il n'y a aucun panneau sur la route, mais beaucoup d’auto-stoppeurs. Donnant donnant, les passager nous indiquent la route.
Nous voilà au complet. Nouveau ravitaillement, Erwan nous gâte, dans ses bagages : Comté, saucissons et Pauillac. Sans attendre, nous partons vers l'ouest avec une première escale à Mariel (ville qui avait la particularité de se trouver sur notre carte !). Nous trouvons tant bien que mal une « casa particular », comprenez une chambre d'hôtes. Autorisées depuis quelques années, l'accueil de touristes étrangers permet aux habitants agrées de mettre un peu de beurre dans les épinards (enfin dans le riz, il y a pénurie d'épinard aussi).
Dans cette ville hors du circuit touristique, nous parvenons à trouver un restaurant, chose rare. Ici on paye en CUP et non en CUC, on s'en met plein la panse ! Cuba à la particularité d'avoir deux monnaies, une monnaie nationale (le CUP) et une monnaie pour les touristes, indexée sur le dollar (le CUC). L'usage de cette dernière permet de gonfler les caisses de l'état. Songez que la parité entre le CUP et le CUC est de 1 pour 25. Le touriste non averti paye donc son séjour à Cuba plein pot.

A Viñales, nous trouvons des paysages karstiques et des vallées bucoliques qui nous rappellent le Vietnam. La région est connue pour la culture du tabac, plus marginalement pour celle du café. Nous rencontrons un producteur qui nous offre un cigarillo. Le soir, à la fraîche, dans le rocking chair sous le patio de la casa, nous le crapotons accompagné d'un verre de bordeaux et d'une rosette.
Direction la mer des Caraïbes. Dans la baie des cochons, entre Playa Larga et Playa Giron, nous trouvons le spot parfait. Seuls, nous profitons des eaux cristallines et d'une visibilité hallucinante pour observer la vie marine (superbes coraux, poissons divers et même des calamars). Le lendemain, nous y retournons, accompagnés par le cuistot du coin qui nous vend ses crevettes en guise d’appât. « Seguro de seguro » (sûr de sûr), vous aurez du poisson, je vous le cuisine ce soir. Chouette ! Thomas ayant ramené son matériel d'Allemagne, nous nous mettons à la tâche à marée montante. Au bout de deux heures, nous avons cassé toutes les lignes et perdus les hameçons. Entre deux démêlages de fil, Thomas parviendra quand même à nous en remonter un, mais guère plus gros qu'un anchois, nous le relâchons ! Mauvais pêcheurs mais bon perdants, nous terminons dans l'eau, masque sur le nez, à jeter les dernières crevettes et observer les poissons se régaler. Au moins nous ne vidons pas la mer !

La ville de Trinidad fût fondée en 1514. A la différence des autres villes coloniales de l'île, elle est admirablement bien restaurée. Escale culturelle certes mais pas gastronomique. Comme chaque jour, nous avons droit au fameux arroz congris (riz-péteux) accompagné de crevettes, langouste ou porc, cuisinés de la même manière insipide. Les fruits de mer sont bien sûrs frais, c'est à dire fraîchement sortis du congélateur. C'est à se demander d'où viennent tous ces mets précieux qui sont bien sûr introuvables sur les étals des épiceries d'état ou des quelques supermarchés.
Joyau architectural, Trinidad est qui plus est nichée entre des montagnes verdoyantes et une côte sauvage superbe. Une dose de rhum, trois d'ananas, un trait de coco ; nous sirotons notre piña colada les pieds dans l'eau au couchant.
Nous remontons sur la côte nord et découvrons des provinces quasi vides de villages et grillées par le soleil. Les champs de canne à sucre se succèdent. Nous prenons le temps de nous arrêter sur un chantier de récolte et de discuter avec les ouvriers de la coopérative. Devant nous, trois récolteuses, deux en panne ; derrière sur la route, un attelage de bœufs nous dépasse.

Nous ne sommes pas encore rassasiés d'eau salée et décidons de nous rendre sur l'île de Cayo Coco. Depuis 1988 et la construction d'une gigantesque route-digue de 30 kilomètres, elle est devenue presqu'île. Cayo Coco est aujourd'hui dédiée (sacrifiée) au tourisme. Avec comme cible privilégiée, la clientèle occidentale (principalement Canadienne). A tel point que l'île est même interdite aux citoyens Cubains, ce qui engendre un léger malaise au moment de passer le péage et de présenter nos passeports.
Nous avons le choix entre deux types d'hébergement. Soit les grands hôtels « all included », ni notre style, ni notre budget (de toute façon ils sont tous complets). Soit des hôtels gouvernementaux bas de gamme, déjà délabrés avant même d'être achevés. L'hôtel Azul où nous débarquons est un fiasco complet. Rien ne marche dans la chambre, le personnel est apathique et le service lamentable. On touche le fond le lendemain matin au petit-déjeuner (inclus!). Les finances de l'établissement doivent être dans le rouge : pain de mie, beurre périmé, vache qui rit (pas nous). En boisson : bière ou Fanta, « oui nous n'avons plus de jus de fruit », désespère la serveuse. Scène pathétique révélatrice : dans un coin de la salle à manger, sur une table bancale, deux employées s'occupent à dédoubler des serviettes en papier. Pénurie de cellulose !
Les plages de l'île sont en effet paradisiaques si l'on omet les grues et les barres d'immeubles en construction. Une escale un peu décevante malgré les bonnes parties de rigolade.
Nous longeons la côte nord et faisons arrêt dans la sympathique ville de Caibarien. Bâtiments anciens, couleurs pastelles et peintures écaillées. C'est le rire des enfants et le son chaud des cuivres qui donnent vie à cette carte postale. Ça on aime bien.

Le voyage touche à sa fin pour Thomas. Pour sa dernière nuit, nous nous offrons un séjour en hôtel-balnéo. On ne sera pas déçus du voyage !
L'hôtel de Baños de Elguea annonce 150 chambres. Nous sommes seuls. Il y a bien du monde au bar... Ah non ce sont des employés ! Nous passons cette dernière soirée tous ensemble à jouer aux cartes autour de la dernière bouteille de Mercurey. Le lendemain, c'est le jour des soins. Le personnel nous accueille avec un sourire crispé, content d'avoir des clients mais que peut-on leur proposer ? Nous suivons le choix (l'a-t-on vraiment?) de la conseillère santé : bain de boue + jet + massage. Dehors dans le vent, on commence par nous badigeonner au pinceau de peinture une boue noire nauséabonde. Nous entamons une ronde de séchage autour de la piscine vide en se demandant bien ce qui nous attend. La salle de jet étant hors service, on nous expédie dans une fosse où de l'eau tout droit sortie de la mangrove nous plaque contre le mur. On se sent comme des petits gorets à la recherche d'un filet d'eau pour se débarbouiller. Nous sommes morts de rire. Ernesto esquisse un sourire. Grand noir musclé d'un mètre quatre-vingt-dix, c'est lui le masseur. En parfaits gentlemen, les trois gars laissent passer Justine en cobaye. Nous repartirons de cette matinée spa, un peu abasourdis. A défaut de thalasso nous avons eu de la rigolo-thérapie.

Nous déposons Thomas à l'aéroport de Varadero. Adios amigo ! A trois dans la voiture, nous avons de nouveau de la place pour les auto-stoppeurs.
A Matanzas, nous faisons deux belles rencontres. Dans un français parfait, Leodanis nous explique sa vision de la politique locale. Comme beaucoup de Cubains, il est patriote et fier du système éducatif, du système de santé et de l'absence de crime dans son pays. Nous l'invitons à manger, mais officiellement c'est lui qui nous régale afin que nous puissions régler en monnaie locale. La serveuse se doute de la combine et tire une tronche de trois mètres. Au hasard d'une rue, nous tombons sur un atelier d'artistes. Manuel Hernandez expose son dernier travail inspiré par la vie rurale cubaine. Nous discutons histoire, politique et actualités autour d'un petit café gentiment offert. Une fois de plus, nous sommes bluffés par l'ouverture d'esprit et le savoir des Cubains qui vivent pourtant coupés d'internet.

La boucle est bouclée. 2200 bornes au compteur. Nous voilà de retour à la Havane. Nous laissons Erwan, le muchacho, se dépatouiller dans la langue du Che « Es posible de haber una cerveza ?! ». Un grand merci à Thomas et à Erwan d'avoir répondu présents. Une pensée pour tous les autres copains qui nous manquent bien.
Nous repartons vers le Nicaragua plein d'énergie pour de nouvelles aventures qui s'annoncent sportives.



1950?

Incygne de voiture


Commandants adorés du peuple

Hasta la victoria siempre

W vu par les Cubains

Lumière du vieux Havane

Vous avez dit kitsch?


Pénurie de panneaux!

Il est gentil le p'tit cerdo!

Bucolique Vinales

Producteur de tabac

Silence ça sèche

On se croirait à Dieppe!

Perspective trompeuse : Thomas et sa sardine!

On y a pourtant mit du coeur

Un matin à Trinidad

Sous le charme

Au piquet?

Voyage dans le temps

Le Bab se fait un bib!

Moins fiable que les boeufs

Flamingos à Cayo Coco

Trois copains sous les tropiques

Bienvenido al paraiso


La fine équipe

Style Manuel Hernandez

La relève

Instant artistique

Dernier taxi

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