Trente-six heures. Trente
six heures de bus fumant (et puant) entre Guatemala et Managua. Un
cauchemar.
L'option la moins chère
(pas la plus simple) pour se rendre à Cuba consistait à rejoindre
le Nicaragua et prendre un vol depuis Managua, la capitale. Il nous a
donc fallu traverser le Salvador et le Honduras en mode express, ce
qui au vu de la réputation sulfureuse de ces deux pays, était une
option sage. Toutefois nous avions sous-évalué la rudesse de
l'épreuve : 800
kilomètres dans ce qu'on appelle un chicken bus (sorte de
boîte de sardine roulante) et trois frontières à traverser. On
nous avait annoncé 20 heures de voyage, nous étions prêts. Mais
nous jouons de malchance... Avant même la frontière Salvadorienne,
au milieu de nulle part, le bus tombe en panne. Sur ces anciens bus
scolaires américains reconvertis, le moteur est à l'intérieur.
Pendant onze heures, le chauffeur s'improvise mécano et tente de
bidouiller la pompe à injection. Nous suivons l'opération, bruits
et odeurs comprises. Nous suffoquons. A la surprise générale, le
bus reprend sa course folle vers 4h00 du matin, nous n'avons pas
dormi. S'ensuit l'épreuve des douanes et son racket organisé. Peu
avant Leon, nouvelle panne ! Nous perdons patience, les
passagers locaux également, c'est dire ! Mutinerie ! Nous
nous organisons pour faire venir des navettes et nous rendre à Leon.
Escale forcée d'une nuit dans cette ville coloniale que l'on n'a même
pas envie de visiter. Nouveau transfert le lendemain pour notre
destination finale, encore trois heures de bus à nos frais.
Nous arrivons éreintés
à Managua. Nos vélos n'ont pas plus apprécié le voyage que nous :
dérailleur cassé pour Justine, il manque une pédale pour Gautier.
35°C à l'ombre, vent de face, nous enrageons. Un dernier effort de
mono-pédalage nous amène chez notre hôte : Elizabeth. Elle
est absente pour le moment, mais a laissé sa porte ouverte pour
nous. Nous somme évidement en retard. Comble de malheur, elle s'est
fait cambriolée pendant ce laps de temps. Bon, allons nous
coucher...
Elizabeth est Française,
elle a beaucoup voyagé. Elle est installée avec sa fille depuis
deux ans au Nicaragua, son pays de cœur. Gentiment, elle accepte de
nous héberger pendant notre passage à Managua et de garder nos
vélos pendant deux semaines durant notre séjour à Cuba. Un grand
merci.
Conscients de tourner une
page, nous bouclons notre valise, impatients de retrouver les
copains. On à l'impression de partir en vacances (comme si on n'y
était pas déjà!).
Nous volons via Panama.
En une heure et demie, nous effectuons le trajet qui nous prendra
vraisemblablement un mois et demi à parcourir à vélo à notre
retour. On fait nos repérages.
A notre arrivée à
l'aéroport de la Havane, les taxis se bousculent. Les yeux de
Gautier brillent devant ces vieilles dames : Chevrolet, Cadillac
et Plymouth des années 50.
C'est finalement une vieille Lada qui nous prend, moins glamour !
Direction Habana Centro, dans la casa Aleido où Thomas nous attend.
Retrouvailles heureuses et gourmandes, l'ami ayant prit soin de
disposer sur notre lit des victuailles réconfortantes :
rillettes, pinard, gavottes et autres douceurs au bon beurre. Cela
confirme l'adage bien connu : « En vacances, toujours
avoir un Thomas avec soi ».
Il nous reste trois jours
avant qu'Erwan ne rejoigne la troupe. Nous sommes sous le charme dès
nos premières sorties dans la ville. L'atmosphère est clairement
particulière. Voitures d'un autre temps (Gautier aperçoit même une
Minsk!!), immeubles coloniaux en ruines, commerces inexistants ou
presque, et aucune publicité pour trahir le rêveur. A quelle époque
sommes nous ?
1959 ? 2015 ?
Rien a changé ou presque. Depuis la révolution menée par les
idolâtrés commandants Castro, Guevara et Cienfuegos, le pays
prospère à sa façon (et à sa vitesse) en suivant l'idéologie
communiste. Pour comprendre un peu mieux l'histoire du pays, nous
décidons de visiter le musée de la propagande, euh
pardon de la révolution.
En soirée, nous sommes
un peu déçus, nous rêvions de musique cubaine et de salseros
à chaque coin de rue. Rien. On ne nous propose que des soirées
toute faites pour touristes avec Buena Vista Social Club qui semble
se produire à la même heure dans chaque bar du centre ville !
Dommage. Nous nous consolons autour d'un verre de Havana club dans
nos chambres de la Casa Aleido au décor plus que kitsch.
Nous avions réservé une
voiture par internet. Attention pas une voiture chinoise, arrivée en
masse sur l'île ces dernières années. En bon patriote : une
française, une pigeot ! Le loueur tente de nous refourguer un
pneu lisse, embargo oblige, il y a pénurie de caoutchouc !
Direction l'aéroport pour aller chercher Erwan. Il n'y a aucun
panneau sur la route, mais beaucoup d’auto-stoppeurs. Donnant
donnant, les passager nous indiquent la route.
Nous voilà au complet.
Nouveau ravitaillement, Erwan nous gâte, dans ses bagages :
Comté, saucissons et Pauillac. Sans attendre, nous partons vers
l'ouest avec une première escale à Mariel (ville qui avait la
particularité de se trouver sur notre carte !). Nous trouvons
tant bien que mal une « casa particular », comprenez une
chambre d'hôtes. Autorisées depuis quelques
années, l'accueil de touristes étrangers permet aux
habitants agrées de mettre un peu de beurre dans les épinards
(enfin dans le riz, il y a pénurie d'épinard aussi).
Dans cette ville hors du
circuit touristique, nous parvenons à trouver un restaurant, chose
rare. Ici on paye en CUP et non en CUC, on s'en met plein la panse !
Cuba à la particularité d'avoir deux monnaies, une monnaie
nationale (le CUP) et une monnaie pour les touristes, indexée sur le
dollar (le CUC). L'usage de cette dernière permet de gonfler les
caisses de l'état. Songez que la parité entre le CUP et le CUC est
de 1 pour 25. Le touriste non averti paye donc son séjour à Cuba
plein pot.
A Viñales,
nous trouvons des paysages karstiques et des
vallées bucoliques qui nous rappellent le Vietnam. La région est
connue pour la culture du tabac, plus marginalement pour celle du
café. Nous rencontrons un producteur qui nous offre un cigarillo. Le
soir, à la fraîche, dans le rocking chair sous le patio de la casa,
nous le crapotons accompagné d'un verre de bordeaux et d'une
rosette.
Direction la mer des
Caraïbes. Dans la baie des cochons, entre Playa Larga et Playa
Giron, nous trouvons le spot parfait. Seuls, nous profitons des eaux
cristallines et d'une visibilité hallucinante pour observer la vie
marine (superbes coraux, poissons divers et même des calamars). Le
lendemain, nous y retournons, accompagnés par le cuistot du coin qui
nous vend ses crevettes en guise d’appât. « Seguro de
seguro » (sûr de sûr), vous aurez du poisson, je vous le
cuisine ce soir. Chouette ! Thomas ayant ramené son matériel
d'Allemagne, nous nous mettons à la tâche à marée montante. Au
bout de deux heures, nous avons cassé toutes les lignes et perdus
les hameçons. Entre deux démêlages de fil, Thomas parviendra quand
même à nous en remonter un, mais guère plus gros qu'un anchois,
nous le relâchons ! Mauvais pêcheurs mais bon perdants, nous
terminons dans l'eau, masque sur le nez, à jeter les dernières
crevettes et observer les poissons se régaler. Au moins nous ne
vidons pas la mer !
La ville de Trinidad fût
fondée en 1514. A la
différence des autres villes coloniales de l'île, elle est
admirablement bien restaurée. Escale culturelle certes mais pas
gastronomique. Comme chaque jour, nous avons droit au fameux arroz
congris (riz-péteux) accompagné de crevettes, langouste ou
porc, cuisinés de la même manière insipide. Les fruits de mer sont
bien sûrs frais, c'est à dire fraîchement sortis du congélateur.
C'est à se demander d'où viennent tous ces mets précieux qui sont
bien sûr introuvables sur les étals des épiceries d'état ou des
quelques supermarchés.
Joyau architectural,
Trinidad est qui plus est nichée entre des montagnes verdoyantes et
une côte sauvage superbe. Une
dose de rhum, trois d'ananas, un trait de coco ; nous
sirotons notre piña
colada les pieds dans l'eau au couchant.
Nous remontons sur la
côte nord et découvrons des provinces quasi vides de villages et
grillées par le soleil. Les champs de canne à sucre se succèdent.
Nous prenons le temps de nous arrêter sur un chantier de récolte et
de discuter avec les ouvriers de la coopérative. Devant nous, trois
récolteuses, deux en panne ; derrière sur la route, un
attelage de bœufs nous dépasse.
Nous ne sommes pas encore
rassasiés d'eau salée et décidons de nous rendre sur l'île de
Cayo Coco. Depuis 1988
et la construction d'une gigantesque route-digue de 30
kilomètres, elle est devenue presqu'île. Cayo Coco est aujourd'hui
dédiée (sacrifiée) au tourisme. Avec comme cible privilégiée, la
clientèle occidentale (principalement Canadienne). A tel point que
l'île est même interdite aux citoyens Cubains, ce qui engendre un
léger malaise au moment de passer le péage et de présenter nos
passeports.
Nous avons le choix entre
deux types d'hébergement. Soit les grands hôtels « all
included », ni notre style, ni notre budget (de toute façon
ils sont tous complets). Soit des hôtels gouvernementaux bas de
gamme, déjà délabrés avant même d'être achevés. L'hôtel Azul
où nous débarquons est un fiasco complet. Rien ne marche dans la
chambre, le personnel est apathique et le service lamentable. On
touche le fond le lendemain matin au petit-déjeuner (inclus!). Les
finances de l'établissement doivent être dans le rouge : pain
de mie, beurre périmé, vache qui rit (pas nous). En boisson :
bière ou Fanta, « oui nous n'avons plus de jus de fruit »,
désespère la serveuse. Scène pathétique révélatrice : dans
un coin de la salle à manger, sur une table bancale, deux employées
s'occupent à dédoubler des serviettes en papier. Pénurie de
cellulose !
Les plages de l'île sont
en effet paradisiaques si l'on omet les grues et les barres
d'immeubles en construction. Une escale un peu décevante malgré les
bonnes parties de rigolade.
Nous longeons la côte
nord et faisons arrêt dans la sympathique ville de Caibarien.
Bâtiments anciens, couleurs pastelles et peintures écaillées.
C'est le rire des enfants et le son chaud des cuivres qui donnent vie
à cette carte postale. Ça on aime bien.
Le voyage touche à sa
fin pour Thomas. Pour sa dernière nuit, nous nous offrons un séjour
en hôtel-balnéo. On ne sera pas déçus du voyage !
L'hôtel de Baños
de Elguea annonce 150 chambres. Nous sommes seuls. Il y a bien du
monde au bar... Ah non ce sont des employés ! Nous passons
cette dernière soirée tous ensemble à jouer aux cartes autour de
la dernière bouteille de Mercurey. Le lendemain, c'est le jour des
soins. Le personnel nous accueille avec un sourire crispé, content
d'avoir des clients mais que peut-on leur proposer ? Nous
suivons le choix (l'a-t-on vraiment?) de la conseillère santé :
bain de boue + jet + massage. Dehors dans le vent, on commence par
nous badigeonner au pinceau de peinture une boue noire nauséabonde.
Nous entamons une ronde de séchage autour de la piscine vide en se
demandant bien ce qui nous attend. La salle de jet étant hors
service, on nous expédie dans une fosse où de l'eau tout droit
sortie de la mangrove nous plaque contre le mur. On se sent comme des
petits gorets à la recherche d'un filet d'eau pour se débarbouiller.
Nous sommes morts de rire. Ernesto esquisse un sourire. Grand noir
musclé d'un mètre quatre-vingt-dix, c'est lui le masseur. En
parfaits gentlemen, les trois gars laissent passer Justine en cobaye.
Nous repartirons de cette matinée spa, un peu abasourdis. A défaut
de thalasso nous avons eu de la rigolo-thérapie.
Nous déposons Thomas à
l'aéroport de Varadero. Adios amigo ! A trois dans la voiture,
nous avons de nouveau de la place pour les auto-stoppeurs.
A Matanzas, nous faisons
deux belles rencontres. Dans un français parfait, Leodanis nous
explique sa vision de la politique locale. Comme beaucoup de Cubains,
il est patriote et fier du système éducatif, du système de santé
et de l'absence de crime dans son pays. Nous l'invitons à manger,
mais officiellement c'est lui qui nous régale afin que nous
puissions régler en monnaie locale. La serveuse se doute de la
combine et tire une tronche de trois mètres. Au hasard d'une rue,
nous tombons sur un atelier d'artistes. Manuel Hernandez expose son
dernier travail inspiré par la vie rurale cubaine. Nous discutons
histoire, politique et actualités autour d'un petit café gentiment
offert. Une fois de plus, nous sommes bluffés par l'ouverture
d'esprit et le savoir des Cubains qui vivent pourtant coupés
d'internet.
La boucle est bouclée.
2200 bornes au compteur. Nous voilà de retour à la Havane. Nous
laissons Erwan, le muchacho, se dépatouiller dans la langue du Che
« Es posible de haber una cerveza ?! ». Un grand
merci à Thomas et à Erwan d'avoir répondu présents. Une pensée
pour tous les autres copains qui nous manquent bien.
Nous repartons vers le
Nicaragua plein d'énergie pour de nouvelles aventures qui
s'annoncent sportives.
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1950? |
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Incygne de voiture |
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Commandants adorés du peuple |
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Hasta la victoria siempre |
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W vu par les Cubains |
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Lumière du vieux Havane |
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Vous avez dit kitsch? |
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Pénurie de panneaux! |
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Il est gentil le p'tit cerdo! |
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Bucolique Vinales |
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Producteur de tabac |
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Silence ça sèche |
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On se croirait à Dieppe! |
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Perspective trompeuse : Thomas et sa sardine! |
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On y a pourtant mit du coeur |
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Un matin à Trinidad |
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Sous le charme |
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Au piquet? |
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Voyage dans le temps |
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Le Bab se fait un bib! |
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Moins fiable que les boeufs |
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Flamingos à Cayo Coco |
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Trois copains sous les tropiques |
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Bienvenido al paraiso |
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La fine équipe |
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Style Manuel Hernandez |
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La relève |
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Instant artistique |
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Dernier taxi |
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