La chance nous sourit,
nous sommes rentrés dans un cercle vertueux. Nous avons tout : une
moto en règle, un pays magnifique devant nous et ce sentiment de
sécurité et de liberté que nous cherchions. Nous quittons le DIAN
(le département des douanes) de Bucaramanga avec le permis
d'importation temporaire de la moto à notre nom. Ce document clé
nous manquait, nous avions quitté Carthagène la queue entre les
pattes, les douaniers ayant refusé de nous octroyer ce papier
magique. Dans l'illégalité, la suite du voyage s'annonçait
stressante. Sans aucune certitude, nous avons rejoint au plus vite
Bucaramanga où vit Alex, l'ancien propriétaire de la moto. Ceci
afin d'organiser une expédition à la frontière Vénézulienne pour
réimporter le véhicule sur le sol Colombien. Folies
administratives! Nous tentons quand même notre chance au bureau des
douanes de Bucaramanga. Bonne pioche, les douaniers ne maîtrisent
pas bien ce point particulier de la loi et nous délivrent
l'autorisation de circuler en une demi journée. Nous voilà
soulagés, nous fêtons notre vrai départ avec Alex autour d'une
bière.
Nous préférons oublier
les premiers 800 kilomètres depuis Carthagène, qui nous auront
offert une image négative et non représentative du pays que nous
avons tant aimé. Des lignes droites interminables, pas un mètre de
bas côté sans détritus, des villages miséreux et une ambiance
pesante. Le mal être culmine autour de Bosconia, lorsque nous
traversons des villages couleur pétrole, sacrifiés à la
contrebande de l'or noir.
Changement de décor.
Nous rentrons au coeur du voyage et du pays dans le département de
Santander. La route s'élève et serpente dans des paysages qui se
font chaque jour plus harmonieux. Les villages fleuris et
accueillants se succèdent. Les habitants nous offrent leurs plus
beaux sourires.
A Giron, nous assistons,
un peu médusés, à une procession religieuse très démonstrative.
Comme dans toute l'Amérique latine, la foi chrétienne est
omniprésente. En cette période de semaine sainte, cela devient
carrément exubérant.
Au détour d'un virage,
notre regard se porte sur un petit clocher blanc. Le paisible village
de Curiti est regroupé autour. Nous y faisons une nouvelle escale
très plaisante. De la fenêtre de notre chambre douillette, nous
observons avec délice la beauté du jardin de notre hôte. Sa petite
fille rentre de l'école et nous sert gentiment un café. Nous
savourons cet instant simple et apaisant.
Nos journées de moto
sont rythmées par les pauses jus de fruits. Orange, mûre, fraise,
mangue, narangille, il y en a pour tous les goûts et pour deux
francs six sous. La météo se fait capricieuse en montant vers le
plateau de Bogota. Il crachine, nous croisons des 4L et les vaches
normandes pâturent dans les prés. Sommes nous rentrés à la
maison? Nous roulons le sourire aux lèvres jusqu'à la tombée de la
nuit. A chiquinquira, il nous faut trouver un toit. Chose facile en
temps normal, cela s'avère très laborieux ce soir. Surprise! Nous
sommes dans une ville sainte. La veille de Pâques. Hôtels blindés,
prix doublés, on est mal tombés...
Aux abords de Bogota,
nous décidons de l'esquiver, effrayés par la circulation et le
nuage de pollution qui se dessine à l'horizon. D'une manière
générale, nous préférons éviter les grandes villes, à moins d'y
avoir un guide. Ainsi nous contournons la capitale par l'ouest et
découvrons des paysages "vert irlande" voués à la
production laitière. La route est bordée de petites crèmeries, on
ne se fait pas prier pour déguster fromages, crèmes fouettées et
riz au lait.
Dans les collines boisées
de Villeta, refuge dominical des Bogotiens, nous dénichons un petit
coin de paradis. Faute d'hôtels dans les parages, Asusena nous loue
une chambre coquette dans sa maison de campagne. Avec sa fille et son
gendre, nous partageons le dîner et l'ambiance familiale en ce
week-end de fête. Nous sommes
bien loin de la Colombie qui fait peur.
Entre la vallée
luxuriante du rio Magdalena et les hauteurs alpines de Letras, nous
changeons plusieurs fois de climat en quelques heures. Sur
quatre-vingt kilomètres, la route ne cesse de monter jusqu'à un col
à 3900 mètres! Une pensée pour les cyclistes courageux, nous ne
sommes pas mécontents d'avoir un moteur entre les jambes dorénavant.
Nous arrivons dans la
zona cafetera, à Perreira, sous une pluie battante. Paulo, contacté
sur couchsurfing, nous a donné rendez-vous en centre ville. "Suivez
moi!". 4X4, pied au plancher, il conduit à la Colombienne
(comme s'il avait plusieurs vies). Nous peinons à le suivre sur la
piste étroite grimpant jusqu'à chez lui, nous imaginons la vue
imprenable que nous aurons au réveil. En attendant, la soirée
s'annonce chaleureuse. La belle fermette en rénovation est un lieu
de rencontre internationale. Ce soir autour du feu qui crépite,
s'organise un conciliabule entre Colombiens, Italiens et Français.
Au menu : fondue de fromage!
Le petit-déjeuner nous
attend sur la grande table. Pour nos papilles, un bon café du coin.
Pour nos yeux, une vue plongeante sur les collines. Pour nos
oreilles, le bourdonnement caractéristique du vol des colibris. La
région est superbe, malgré la pluie, nous décidons d'explorer les
environs. Nous testons les premières pistes et franchissements de
rivières avec la moto, qui semble aussi enthousiaste que nous. Nous
découvrons une mosaïque de paysages agricoles. Du café bien sûr
mais aussi des bananeraies, des patates, des oignons, le tout
entouré par des forêts variées. Nous fêtons Pâques, non pas avec
de l'agneau, mais avec de la truite, la spécialité locale. S'en
suit un petite balade digestive dans le charmant village de Salento à
l'ambiance familiale. Manque plus que la poule en chocolat!
Nous quittons Paulo et
Gloria, nos hôtes au cœur généreux et continuons à nous perdre
sur les petites routes de la zona cafetera. Au hasard d'un chemin,
Diego nous interpelle. Longtemps installé aux Etats-Unis, il est
revenu sur ses terres natales (à moto!) pour s'occuper de la
plantation de café familiale. Lui et sa famille nous offrent, sans
conditions, un bon repas, une visite de l'exploitation et un
cargaison de fruits à faire plier la moto. Sur ses conseils, nous
faisons chemin vers le village perché de Buenavista où nous passons
la nuit. En soirée l'orage éclate, nous admirons, les pieds au sec,
la foudre qui tombe au loin.
Aux abords de Cali, la
route se fait plus monotone. Nous sommes à contre cœur sur
l'autoroute, les champs de canne à sucre défilent. Pas de village
de charme à l'horizon, nous décidons de nous arrêter dans un motel
en bord de route. Une employée s'avance vers nous :
Euh, en fait ce serait
pour la nuit! Nous comprenons sur le tard la signification de "Motel"
en Amérique latine. "Motel Cupidon", on aurait dû s'en
douter. Nous retournons sur nos pas un peu gênés et amusés à la
fois. C'est alors, qu'un grand gaillard s'interpose. Arnold, la
cinquantaine, cheveux gominés, chaîne en or et regard de maquereau,
nous invite à le suivre. C'est le patron. Un peu intimidés, nous
lui emboîtons le pas dans son bureau à l'ambiance feutrée. Il se
présente en nous montrant sur son portable dernier cri, les photos
de sa bécane hors de prix et de ses dernières vacances à
Versailles. Solidarité motarde ou vantardise affichée, il nous
propose de rester gratuitement dans la suite royale. Nous ne sommes
pas déçus en arrivant dans la chambre. Ils ont tout prévu, un
décor intime, des accessoires en tout genre et même une chaise
longue à l'utilité très spécifique. Un menu sur la table de
chevet, nous avons une petite faim. Justine jette un œil, à la
lettre D : "d-d-déjeuner...
Ah non pardon, dilatateur
anal". Oups!
Direction Popayan, la
citée blanche. Dans cette belle ville comme ailleurs en Colombie, on
marche aujourd'hui pour la paix. Voilà un mois que le président
Juan Manuel Santos a décrété un cessez le feu avec les FARC
(Forces Armées Révolutionnaires de Colombie). Plus que jamais, la
population veut voir le mot colombe dans Colombie. En plus d'un demi
siècle, le conflit opposant l'armée et la guérilla communiste a
fait près de 220.000 morts et plus de 5 millions de déplacés.
Crées à l'origine pour défendre les paysans pauvres contre les
grands propriétaires, les FARC sont aujourd'hui classées
organisation terroriste par de nombreux pays occidentaux. Leur
implication avérée dans le trafic de cocaïne contribue à les
discréditer au sein même de leur peuple. Le sujet est complexe et
sensible.
Nous prenons de la
hauteur en visitant le parc national de Puracé. Au terme d'une route
enchanteresse dans les vallées verdoyantes, nous découvrons le
paramos, un écosystème d'altitude particulier au nord des Andes.
Les geysers et la roche basaltique nous rappellent que nous sommes en
terre volcanique. Par cette journée pluvieuse, le ranger s’ennuie
ferme dans sa cabane Il nous invite à déguster un jus de Panela
chaud (boisson à base de canne à sucre) et nous explique la
difficulté de co-gérer le parc avec la population autochtone. Nous
terminons cette journée en beauté à 3000 mètres d'altitude en
trempant nos fesses dans des sources d'eau chaude. Quel bonheur!
Toujours plus au sud,
nous continuons les bons plans et les bonnes rencontres. Vers Pasto,
nous faisons notre dernière nuit en Colombie. A la laguna Cocha, le
paysage et le climat changent à nouveau, on se croirait en Ecosse.
L'accueil, lui, est toujours le même, sincère et chaleureux.
La route est sublime
jusqu'à la frontière Equatorienne. Nous y rencontrons un compère
motard qui vient du Canada. Nous passons sans encombre la frontière
ensemble et nous souhaitons bon vent. Après le poste de douane, au
moment de remettre les gaz, nous nous retournons pour un dernier
aurevoir à la Colombie, ce pays du cœur.
 |
Procession à Giron |
 |
Dame blanche |
 |
Fabrication d'arepas |
 |
Cuisson d'arepas |
 |
Joli Curiti |
 |
Combinaison waterpouf |
 |
Où sommes nous? |
 |
Premières hauteurs andines |
 |
De retour en Normandie |
 |
Chez Paulo |
 |
3 guitares et une râpe |
 |
Zona cafetera |
 |
Petit lapin de Pâques |
 |
Amen |
 |
Cartophiles |
 |
P'tit dej de champion |
 |
Sourire de Diego |
 |
Coco |
.JPG) |
Soir d'orage à Buenavista |
 |
Déco rustique |
.JPG) |
Mode d'emploi de la chaise longue |
 |
Popayan, la citée blanche |
.JPG) |
Bienvenue au paramos |
.JPG) |
Moquette naturelle |
 |
Un ptit bain chaud? |
 |
Gautier, tu m'attends! |
 |
Douche nature |
.JPG) |
Couleurs pastel à Pasto |
 |
Laguna d'Ecosse? |
 |
Regards de veaux! |