Sur la route...

lundi 13 avril 2015

Nouveau souffle

A David, ville réputée pour être la plus chaude d'Amérique centrale, nos cerveaux bouillonnent. Des tonnes de questions fusent dans nos têtes. Continuons nous avec les vélos ? Si non, que fait-on et qu'en fait on ? Nous décidons d'aller chercher l'air frais pour apaiser nos neurones.
Le village de Boquete se situe à une heure de bus à l'ouest de David. Mille mètres de plus et quinze degrés de moins, nous respirons enfin. Réhydratés par la bruine légère et requinqués par de bons repas mijotés, nous nous refaisons une santé. Ce court séjour dans les montagnes Panaméennes marque une étape décisive dans notre voyage. Nous décidons d'arrêter le vélo. Et nous décidons de continuer à moto...
Nous mettons en place un plan d'action. Premièrement aller à Panama City et envoyer nos vélos en France par cargo. Deuxièmement, nous rendre à Colon et prendre un ferry direction la Colombie. Troisièmement, dénicher une moto capable de nous emmener jusqu'en Uruguay. Y-a plus qu'à !

Nous arrivons un samedi soir dans la grande ville de Panama. Maelys, bretonne expatriée, nous accueille chaleureusement dans son deux pièces du centre ville. Grâce à elle et ses amis, nous trouvons rapidement nos marques dans cette grande citée moderne qui tranche nettement avec nos derniers mois de barroudage. Bars branchés, grattes-ciels et métro tout neuf, c'est par le canal et son port que nous sommes le plus attirés. Conscients du gros trafic maritime dans la zone, nous sommes confiants pour l'envoi de nos bicyclettes en terre natale.
Nous contactons plusieurs boîtes de fret. Ils semblent concourir pour le devis d’envoi le plus cher au monde. Ils nous annoncent des prix de fous. Nous poursuivons notre quête chez les timbrés en poussant la porte de la Poste. L'addition est moins salée mais toujours trop élevée pour la valeur réelle de nos vélos. Que faire d'eux? Nous ne pouvons pas les abandonner. On doit trouver un acheteur au plus vite. La chance nous sourit, Eugenia, une amie de Maelys, tombe amoureuse de nos biclowns, nous lui faisons un prix cadeau. Nous sommes un peu tristes de quitter nos compagnons de voyage mais content qu'ils restent entre de bonnes mains.
Reste à gérer le problème des bagages. Nous faisons l'inventaire, il faut encore nous alléger. Nous gardons le nécessaire (un slip) et envoyons le superflu (les autres slips). Dans cette dynamique positive, nous réservons le ferry, trouvons un hôte à Carthagène des Indes et fixons un rendez-vous dans cette même ville avec un vendeur de moto. Tout s'annonce pour le mieux, nous sommes soulagés et en profitons pour faire les touristes.
Le musée national nous apprend beaucoup sur l'histoire mouvementée du pays et de la ville du même nom. L'espace d'une journée nous nous mettons dans la peau de Balboa (rien à voir avec Rocky). Ce navigateur espagnol fut le premier à découvrir l'isthme de Panama et la mer du sud (l'océan Pacifique). Une découverte qui changea la face du monde et précipita l'exploration du reste de l'Amérique. Nous sommes fascinés par la salle des cartes qui répertorie des illustrations du monde connu, de l'antiquité jusqu'au XVIè siècle. Longtemps la vision du monde est simpliste et veille à ne pas contrarier les principes de l'Eglise prônant la Sainte ignorance. Au fur et à mesure des conquêtes, les contours de l'Afrique et de l'Asie s'affinent. Mais ce n'est qu'après la découverte de Balboa que l'Amérique se révèle être un nouveau continent (et pas celui des Indes comme le pensait Colomb). A partir de là tout s'accélère et en quelques décennies la silhouette de l'Amérique est dessinée. Les grandes puissances européennes prennent conscience de l'immensité de ces nouvelles terres et de leurs richesses. C'est la course à la conquête pour les grands royaumes occidentaux (Espagne et Portugal en tête) qui vont se partager le gâteau sans pitié. Conséquences directes : l'asservissement (et souvent le massacre) des populations indigènes ainsi que l'essor de l'esclavage et de la traite négrière. Aujourd'hui le visage de l'Amérique reflète cette histoire extraordinaire et tragique. Sur ce sujet, nous avons aimé lire L'entreprise des Indes d'Erik Orsenna.
Le musée de Panama traite également d'un sujet plus attendu, le Canal. Des dizaines d'ingénieurs en chef se sont cassés les dents sur cet ouvrage exceptionnel inauguré en 1914. Soixante-dix-sept kilomètres de long, des maxi écluses de vingt mètres de hauteur, cinq mille ouvriers morts à la tâche, voilà pour les chiffres gargantuesques. Aujourd'hui 14000 navires géants du monde entier y transitent chaque année. Une vrai manne financière pour le pays compte tenu des droits de passage. Pas étonnant que la zone ait attirée les convoitises et soit toujours un lieu géo-politiquement sensible.

L'heure de la grande traversée approche. Nous faisons notre baluchon et préparons des vivres pour le trajet en bateau jusqu'en Colombie, qui doit durer vingt heures. Nous arrivons à Colon trois bonnes heures avant le départ, on ne veut pas le rater. Ça ne risque pas ! Le ferry est annulé. On est dégoûtés. Le prochain départ est dans cinq jours. Décidément entre Skagway en Alaska, Puntarenas au Costa Rica et Colon au Panama, le dieu des ferrys nous en veut. Cerise sur le gâteau, Colon nous paraît être la ville la plus moche et la plus malsaine de tout notre voyage. Sorte de ghetto géant affublé de tous les maux de la société moderne (drogue, prostitution, violence, etc.). Nous dénichons un hôtel qui n'est pas trop glauque, on s'y réfugie pour la nuit. Tout nos plans tombent à l'eau. On s'enfile une bouteille de rouge.
La nuit porte conseil. Nous avons cinq jours à attendre, nous allons les passer les pieds dans l'eau. Nous jetons notre dévolu sur un petit port de la côte Caraïbe dénommé Puerto Lindo (« joli port »). Au fond d'une crique, entre la jungle et la mer turquoise, le lieu est idyllique. En apparence. Rapidement nous décelons les limites du rêve Caribéen. La population est délaissée, la jeunesse zone et les adultes traficotent. Aucun poisson dans les cales des bateaux, aucun légume sur les étals, en revanche la bière ne manque pas dans les frigos. Toutes baffles dehors, du matin jusqu'au soir on nous impose une musique abrutissante, les chiens galeux parcourent la plage jonchée d'immondices à la recherche d'un bout de poulet. On se croirait dans les Kiribati décrites par Maarten Van Troost dans son roman La vie sexuelle des cannibales (on vous conseille le bouquin). Pour autant, on se fait à l'ambiance. Un matin, nous partons sur une frêle embarcation pour une pêche miraculeuse, enfin ! Nous faisons aussi la connaissance de marins français qui gagnent leur vie en embarquant des touristes vers la Colombie ou vers les magnifiques îles San Blas toutes proches. Depuis leur voilier mouillant dans la crique, la vie semble plus douce.

Cette fois nous prenons la peine de vérifier le bon départ du ferry. Nous avons hâte. Après quelques files d'attente à la douane, nous embarquons enfin avec cinq jours et une heure de retard. Le grand bateau nous mène à bon port, nous posons pied à Carthagène des Indes dans l'après midi du 24 mars. Nous voilà en Amérique du sud !
Le plan couchsurfing étant tombé à l'eau, nous nous rabattons sur une auberge de jeunesse de la vieille ville. Vers 18h00, Alex nous y rejoint. Ce jeune Australien voyageur s'apprête à rentrer au pays et se sépare de sa moto. C'est la deuxième fois en une semaine qu'il fait le voyage depuis Bucaramanga (1500 kilomètres aller-retour tout de même), car au premier départ annulé du ferry nous n'avions pas pu le prévenir à temps. C'est un vendeur motivé ! Le voilà qui arrive au guidon de sa Kawasaki KLR 650. Gautier l'inspecte en détails et part pour quelques tours de roue. Après 500 mètres, le voilà stoppé par la police. Oups ! Sans papiers et semble-t-il en infraction (mystérieuse interdiction de circuler dans le centre ville), les négociations s'annoncent dures. Alex vient à la rescousse avec les papiers et son expérience du pays. Nous sommes semble-t-il tombés sur un flic coriace et corrompu. Après deux heures de pourparler, il nous entraîne dans un coin discret. Nous n'avons pas le choix, son tarif est le notre : 300,000 pesos (100 euros). Bienvenue en Colombie !
Qu'à cela ne tienne, nous ne sommes pas à un découragement près. Nous faisons affaire dans la soirée. Les derniers jours ont été riches en émotions, nous réalisons à peine quel bel et chanceux achat nous venons de faire. Encore quelques paperasses à régler, les sacoches de vélo à adapter et nous serons prêts.

Pendant ce temps nous visitons la magnifique ville de Carthagène, sous l'écrasante chaleur des Caraïbes. Du fait de sa position stratégique au carrefour des routes de l'or et des esclaves, la ville fut longtemps convoitée par les pirates français et anglais. Les espagnols en ont fait une forteresse, la vieille ville est entourée d'une muraille de douze kilomètres. Avec ces balcons en bois fleuris, ces grandes battisses colorées et ces monuments religieux, l’intra-muros regorge de beauté architecturale. La ville classée à l'Unesco est également le premier site touristique de Colombie, et on comprend pourquoi.

Comme les corsaires du XVIè siècle, nous avons envie de vent dans les cheveux et d'aventures. A défaut de frégate nous avons une belle moto. Le 28 mars, nous mettons les voiles.


Jour d'inventaire

Art végétal

Admirez le style!

Panama City

Notre pêche miraculeuse

Marché ambulant

Bateau pirate

Isla Mamey de loin

Isla Mamey de près

Puerto Lindo de loin

Puerto Lindo de près

Embarquement pas immédiat

Port de Colon

Terre! Terre!

Partie interminable

Balcons fleuris

Couleurs de Carthagène

Carthagène by night

En route!


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