Sur la route...

samedi 22 novembre 2014

Welcome to Tijuana

Nous vous avions laissés devant les portes lumineuses d'une salle de concert à San Francisco, doigts et orteils croisés pour que nous puissions rentrer. La chance nous sourit. C'est pour une somme dérisoire qu'on nous laisse franchir le seuil de cette salle magnifique : plafonds ornés d'imposants lustres, murs habillés de miroirs et balcons en vieux bois. Le concert est épique, psychédélique à souhait. On ne pouvait rêver mieux en ce 14 octobre, beau cadeau pour Gogo. Notre bref séjour à San Francisco aura la même saveur et intensité que cette soirée.
Le port actif qui fait face à l'insolente prison d'Alcatraz, les rues aux pentes déraisonnables testant les freins de Yakari. La ville est sans complexe. Elle est cosmopolite et avant-gardiste. Chaque quartier nous raconte son histoire : Castro, berceau de l'émancipation des homosexuels. North Beach et l'arrivée de ses migrants italiens. Chinatown, homologue asiatique. The Haight, où le mouvement hippie est né.
En traversant le pont de Golden Gate, nous retrouvons Roger. Personnage haut en couleur ayant beaucoup aidé Gautier lors de son premier voyage en Californie. Nous évoquons des souvenirs et parlons de sa nouvelle vie. Ancien habitant des rues festives de Castro, la flambée des prix de l'immobilier (San Francisco étant devenue la ville la plus chère des Etats Unis) l'a poussé à élire domicile de l'autre côté de la baie, dans le Marine County. Nous en profitons pour visiter la voisine Sausalito. Avec son nom de saucisson espagnol, la ville a cette particularité d'être constituée principalement de maisons flottantes aux allures bobos.

Nous serions bien restés plus longtemps mais l'horloge tourne. Nous repartons sur la mythique route numéro 1 qui longe la côte pacifique. Nous faisons l'impasse sur Santa Cruz et Monterrey qui pourtant sont d'un grand intérêt. Nous poussons jusqu'aux alentours de Big Sur pour une nuit magique, seuls au monde en haut d'une falaise.
Plus au sud, à San Simeon, des centaines de jeunes éléphants de mer se prélassent. C'est en discutant longuement avec un guide-naturaliste, amoureux de ces gros patapoufs, que nous découvrons leur singulière histoire, tragique et miraculeuse à la fois. Au XIXè siècle ces mammifères ont été intensivement chassés. Pour récupérer leur gras (utilisé pour les lampes à huile), les hommes ont bien failli avoir leurs peaux ! Au point qu'il n'en serait resté qu'une quinzaine sur toute la côte nord pacifique. Cette colonie trouvera refuge sur une île épargnée du Mexique. Avec la découverte du pétrole, la chasse aux phoques n'est plus lucrative et le massacre est évité in extemis. Les éléphants de mer que l'on trouve aujourd'hui en abondance sur les côtes Américaines descendent tous de ces rescapés mexicains.

A Cambria, nous nous enfonçons dans l'arrière pays. Le paysage change dramatiquement, sans l'influence de l'océan, les nuages suivent un régime amincissant : c'est la sécheresse. Nous rentrons désormais sur le territoire des tarentules et du fameux serpent à sonnette. En fin de journée nous arrivons chez Thomas, copain de Gautier, installé aux Etats-Unis depuis deux ans. Nous sommes ravis de le voir et de faire la connaissance de sa charmante femme Kelly et de leur bambin Liam. Ils sont installés au cœur du domaine viticole familial, Kelly est en outre sommelière. Le cubi de « rouge qui tâche » dans le van est oublié quelques temps. Nous y passerons trois jours très agréables.
Nous nous enfonçons toujours plus dans les terres, aux portes du désert. La route n'en finit plus, Yakari montre des signes de fatigue, et nous aussi. Malgré l’absence quasi totale de pluie, des plantations de pistachiers, amandiers, pommiers, des champs de coton et de luzerne, s'étendent à perte de vue. Le long des routes se succèdent canaux d'irrigation et panneaux indiquant « California needs water ».

Après deux jours de route, nous atteignons notre but : le Parc national de Joshua Tree. Nous faisons le plein d'eau, direction le pays des cactus. Nous passons une première nuit dans un des campings du parc, superbement aménagé entre les chaos granitiques. La lumière du soir est superbe, en préparant le dîner nous croisons un coyote, où est bip-bip ?
Ce court séjour dans le désert nous a fasciné et reposé. En sortant du parc, nous retombons sur un territoire complètement contrôlé et artificialisé par l'Homme: Palmsprings. Villégiature pour riches non amoureux de la nature, cette ville présente une densité de piscines et de terrains de golfs honteuse, par rapport aux réserves hydriques des environs.

Dernier voyage pour notre vieil ami Yakari, direction San Diego. C'est dans cette ultime ville avant la frontière mexicaine que nous décidons de vendre le van. Nous sommes confiants, une annonce tourne sur le web depuis quelques jours et des affiches sont placardées dans les repères de surfeurs de la ville. Pourtant, il nous faudra patienter 10 jours pour trouver preneur.
Dès notre arrivée, par deux fois nous pensions avoir accroché le poisson. Mais nous avons agit comme des bleus. Au premier rendez-vous la jauge d'huile indiquait marée basse, au deuxième l'acheteur nous fera remarquer gentiment que les pneus sont usés jusqu'à la corde. Oups ! Vidange et changement de pneus en urgence.
Les appels se font plus rares. Les jours défilent. Nous décidons de passer par la case Carmax. Laissez nous vous expliquer . Un genre de fast-food pour voiture, un concept très américain. Un premier gus nous reçoit, casquette rouge, chemise de pompiste, il prend la commande : Chevy 91, kilométrage inconnu, deux p'tits jeunes pressés de le vendre. Un autre dispose un numéro sur le van comme on le fait sur une table chez Mac-Do. Le staff en cuisine (en garage) fait un check-up complet de la bête. Les résultats sont renvoyés directement sur l'écran du guichetier qui nous fait signe tout sourire. Après une heure d'attente, nous sommes servis : le commercial de l'équipe nous annonce que Carmax est heureux de nous offrir pour notre véhicule. Tiiin Tiiin : 200 dollars ! Ah les chameaux, c'est le prix des pneus.
Nous noyons notre impatience et lassitude au creux des vagues d'Ocean Beach. Nous avons nos petites habitudes dans le quartier, le cafetier nous demande si nous avons trouvé acheteur. On salue les surfeurs qui comme nous ont l'air de squatter les douches publiques de la plage. Dans notre malheur, nous sommes tout de même bien tombés, San Diego est une ville agréable, il semble y faire toujours beau et l'atmosphère est détendue.
Finalement, l'après midi du 28 octobre, le téléphone sonne. Rendez-vous est prit dans la soirée à une heure de route de notre QG. On y croit, les sacs à dos sont bouclés. On avait raison, l'affaire est pliée en une demi-heure. L'acheteuse est enchantée, elle nous paye cash sans même négocier. Après la poignée de main, nous réalisons que nous sommes, certes riches, mais sans toit et piétons.

Nous sommes qui plus est illégaux sur le territoire Américain depuis deux jours. Avec un peu d'appréhension, nous passons la frontière terrestre à Tijuana. Étonnamment, en allant vers le Mexique, il n'y a aucun contrôle, juste une porte à pousser. Dans l'autre sens, il y a de longues heures d'attente et le regard suspicieux des douaniers. 
La première course en taxi nous plonge dans le bain : Bienvenido a Mexico. C'est après avoir demandé mille fois son chemin que le chauffeur nous dépose sains et saufs devant la maison de Randy, notre hôte du soir. A deux pas de la mer, cet ancien Marine passe sa retraite là où les filles et la tequila sont bons marchés. 
Nous prenons un peu de distance, de repos, pour digérer les émotions des derniers jours. Notre séjour en Amérique du nord se termine, beaucoup d'images nous restent en mémoire, des paysages grandioses, de belles rencontres. L'Amérique que nous avons parcourue nous a plu. Certes un peu beauf et vieillissante par moment mais tout de même loin des clichés de l'Amérique ignorante et puritaine. Nous allons aussi regretter Yakari et son confort.

Une page se tourne. Comme un signe d'adieu, des dauphins surfent dans les vagues de Tijuana. Nous disons aurevoir à l'océan. Demain nous nous envolons pour Mexico, avec l'idée d'y dénicher des vélos. Un grand bon en avant, prendre de l'avance pour mieux prendre notre temps lorsque nous serons sur deux roues.



Of Montreal

L'évadée d'Alcatraz

Le port de San Fransisco

Sans trucage

Chinoiserie de Chinatown

Croissant de départ avec Roger

Bobo de Sausalito

Déco de Sausalito

Vue du soir

On va te regretter Yakari
Journée bronzette

Vers Big Sur

Sur le domaine Charlet

Vieux trucks

Inspecteur Derrick

Un matin dans le désert

Arbre à falafels

Coeurs de cactus

La bien heureuse

Fait chaud!

Yuka-ri

Monstre de granit

Framboise du désert

Banc de surfeurs

Café Pélican

Hissez haut! San Dieeegooo!

"Pourquoi rester en France quand la Terre est si vaste"