Sur la route...

mardi 24 mars 2015

Pura vida


La Margarita et Thalassa ont fait peau neuve. Nettoyage, graissage, réglages aux petits oignons, nous récupérons nos vélos comme neufs. Ils sont prêts, tout comme nous. Prêts pour enfin enchaîner les journées de pédalage. Notre objectif : ne pas mettre un pied dans le bus jusqu'à Panama.
C'est ainsi que nous partons de bon matin en direction de Granada, ville coloniale sur les bords du lac Nicaragua. Au milieu de cette énorme étendue d'eau semblable à la mer, émerge l'île d'Ometepe, curiosité géologique rare avec ses deux volcans. Nous comptons nous y rendre en ferry mais celui-ci ne part que dans trois jours. Ne voulant pas couper notre élan, nous préférons rejoindre l'embarcadère de Rivas et y emprunter le bateau quotidien. De plus, l'ambiance froide et presque hostile de Granada ne nous inspire guère.
Après quelques kilomètres sur des routes tranquilles, nous débouchons sur la célèbre route Panaméricaine, bande d'asphalte de 25,000 kilomètres reliant l'Alaska à la Patagonie. Au centre, le Panama, qui comme la partie centrale d'un sablier concentre tout le trafic venant du nord et du sud. Déjà au Nicaragua, la circulation se densifie. Rajouter à cela l'absence de bas côté et la conduite inconsciente des chauffeurs routiers, c'est pas le pied ! Voilà que le vent s'en mêle, ça devient franchement flippant. Il faut se rendre à l'évidence, nous n'arriverons pas à Rivas ce soir, il nous faut trouver un campement pour la nuit. Dans ces plaines sèches vouées à l'élevage, nous misons sur la solidarité paysanne. Nous interpellons deux gardiens armés à l'entrée d'une hacienda. De méfiants, ils deviennent curieux puis généreux. Les coups de fils au patron se multiplient, on nous offre d'abord de dormir dans une étable abandonnée en bord de route, puis dans une pâture bien verte, enfin dans l'hacienda même. Royal !

Au terme d'une nouvelle journée parmi les camions, nous parvenons à rejoindre l'île d'Ometepe. Nous y trouvons une ambiance plus accueillante et des routes tranquilles. L'île invite à l'exploration, nous décidons d'en faire le tour. Les deux jours prévus pour couvrir la centaine de kilomètres de piste se transforment en six. Nous nous attardons principalement sur la partie orientale du volcan Maderas, qui avec ses belles forêts, ses plages secrètes et ses petits villages paisibles nous charme. Au quatrième soir, coup de fringale pour Justine. Solution radicale : la pause Coca. Ça ne suffit pas, l'épicier-médecin préconise du repos. Il nous offre l'hospitalité. Nous plantons notre tente dans la cour et devenons rapidement l'attraction du village. Sentiment étrange, sur nos vélos, nous trimballons plus de richesses qu'il y en a dans la maison de nos hôtes. Les enfants n'ont jamais vu de chambre pliable et lorsqu'on leur montre nos matelas gonflables, leurs yeux brillent. A la tombée de la nuit, les parents viennent à notre rescousse pour faire sortir tout ce petit monde de la tente. Ils nous apportent un bon repas, des fruits frais et l'assurance d'une nuit tranquille. Au petit matin, nous quittons nos généreux hôtes. Une poignée de main respectueuse à la grand-mère, elle nous demande : « Quand revenez-vous ? ». Nous repartons le cœur plus doux.
On s'autorise encore une nuit sur la belle Ometepe avant de reprendre le ferry. Nous profitons des vues splendides sur les volcans, des baignades dans les cascades d'eau fraîche et d'un coucher de soleil rougeoyant. Nous nous apprêtons à quitter un petit coin de paradis.

La route jusqu'à la frontière Costaricaine ne s'annonce pas comme une partie de plaisir, nous décidons de couvrir l'étape d'une traite. Nous longeons la rive occidentale du grand lac, sur des dizaines de kilomètres s'alignent des éoliennes modernes. Un autre grand projet va bientôt venir chambouler le paysage : un canal financé par les Chinois (pour concurrencer celui de Panama). Quid des réels impacts économiques et environnementaux ? Le sujet fait couler de l'encre.

C'est dimanche, nous passons la frontière sans encombre. Premiers tours de roue au Costa Rica, nous sommes charmés. Des bas-côtés propres, la vue qui porte loin vers les volcans et des animaux sauvages pour nous saluer. La fin de journée est plus éprouvante, il fait un vent à déplumer les toucans et nous sommes parfois obligés de mettre pied à terre pour ne pas s'envoler. Nous faisons étape à La Cruz où nous dénichons une auberge. La patronne nous annonce des rafales de vent à 180 km/h, on craint le pire pour le lendemain.
Tant bien que mal, nous arrivons à Liberia. Une escale s'impose. Gautier a crevé quatre fois en cent kilomètres. Nous changeons les pneus et installons deux nouvelles gourdes par vélo. En effet, si le vent faiblit, la chaleur s’intensifie. Ça ne fait que commencer.
Voilà un moment que nous n'avons pas vu notre cher océan pacifique, fil rouge de notre voyage. Les retrouvailles se font à Playa Hermosa, qui porte bien son nom. Escale fraîcheur trop courte dans le grand bleu, nous repiquons dans l'arrière pays, terre des « Sabaneros ». C'est ainsi que l'on nomme les éleveurs locaux, cavaliers hors pair et manieurs de lassos.
Peu avant Santa Cruz, on atteint des sommets de chaleur. L'eau fraîche puisée une heure auparavant s'est transformée en thé. Sur le pas de sa porte, une dame nous fait de grands signes. Elle nous invite à nous reposer au bord de sa piscine. Voilà qui donne le tempo, désormais entre 10h00 et 15h00, nous passerons en mode sieste !

Luis Angel a la soixantaine bien tassée. Il vend des jus d'orange pressée au bord de la route pour compléter sa maigre retraite. Stratégiquement placé : dans une côte, à quinze kilomètres du premier village. Nous sommes des proies faciles, on s'engloutit un litre de jus vitaminé. Comme il se fait tard, nous lui demandons d'un air innocent s'il connaît un endroit où nous pourrions planter notre tente... Nous installons notre campement dans son jardin, les hamacs tendus entre deux pilotis de la maison. L'ami nous indique un petit chemin qui mène en contrebas à un ruisseau d'eau claire. Idéal pour évacuer les émotions et les efforts de la journée. Nous nous décrassons et lavons nos fringues, avec sur nos visages, le sourire béat du sportif satisfait. Soudain, un singe hurleur se montre. Puis deux. Puis trois. Puis une douzaine qui nous épient. Sommes nous sur leur territoire ? On n'ose plus bouger, partagés entre fascination et intimidation. Nous restons là un moment à s'observer mutuellement. Le soleil se couche, les bruits de la jungle s'intensifient, il est temps de remonter. Nous allons faire de beaux rêves.

Nous espérons retrouver l'océan à Playa Samara. Synonyme de fraîcheur on l'espère. Que nenni, il fait encore plus chaud qu'hier. On cuit ! En haut d'une côte, un motard nous double et nous fait signe de nous arrêter (on allait déjà pas bien vite). C'est Franky. Il nous a vu dans la vallée et veut nous payer un coup. Trop sympa, il nous redonne de l'énergie pour continuer la route.
Nous sommes exténués en arrivant à Playa Samara. Le bain de mer est salvateur. Nous campons au bord de l'eau et planifions la suite. Nous avons l'intention de suivre la piste qui longe la côte. Il nous faudra plusieurs jours pour couvrir une petite centaine de kilomètres. Le sentier est compliqué, poussiéreux. Il faut traverser des rivières à guet, pousser nos vélos dans les côtes aux pentes infernales et le four affiche thermostat 7. Mais quelles récompenses chaque soir à l'installation du campement dans des endroits idylliques. Nous arrivons de nuit à Playa Islita et posons notre tente au hasard sur la plage déserte. Nous nous amusons du spectacle de centaines de bernard l'hermite qui convergent vers l'estran. Aux aurores, deux hommes en bottes équipés de sacs à dos ratissent la plage. Louche ! Nous nous levons peu après et découvrons à une vingtaine de mètres de chaque côté de notre campement des traces suspectes. Après investigation, pas de doute, des tortues marines sont venues pondre à deux pas de notre tente. Zut, on a raté l'événement. Mais bien plus grave, les nids viennent d'être pillés ! En levant le camp, nous apercevons deux aras rouges magnifiques qui viennent nous redonner le sourire.

Nous venons d’enchaîner sept journées de vélo, nous nous trouvons une petite auberge pour une journée complète de repos bien méritée. Clim à fond, barbouillés de biafine, nous regardons le XV de France se prendre une déculottée par les Gallois.
Au petit jeu des plus belles plages, nous tombons d'accord. Playa Bejuco : 10/10. Il y a tout : une longue plage de sable argenté, des rochers aux formes torturées, une mer bleu azur et la jungle qui tombe à ses pieds. Nous nous y attardons pour une partie de pêche. Comme nous vous y avons habitués, chers lecteurs, nous repartons les mains vides. L'heure du déjeuner approchant, nous décidons de faire cuire les appâts restants ! Une famille nous prend en pitié et nous fait partager son pique-nique dominical (langoustes, poissons et salade fraîche).

Nous quittons le sentier côtier à San Francisco de Coyote et retrouvons les terres brûlantes des dompteurs de vaches. A Dominicas, c'est Oscar qui nous accueille dans sa très modeste demeure. Soixante-dix ans et toutes ses dents, son secret santé : tartines miel/ail au petit déjeuner. « C'est bon pour le système immunitaire », nous dit-il. Moins pour l'haleine, pensons nous. Instit à la retraite, c'est un puits de savoir et il s'intéresse à notre aventure. Il nous parle des côtés obscurs de son pays, la corruption du gouvernement, la flambée de l'immobilier engendrée par l'investissement étranger, etc. De notre court séjour dans ce beau pays, nous préférons retenir que les mots hospitalité et générosité ont du sens ici. Oscar nous réveille au clairon à 5h00, véridique. Il nous gave de fruits, nous refusons les tartines ! Merci. Adieu.

Nous quittons la péninsule de Nicoya, qui a tenu toutes ses promesses. Direction Puntarenas et la côte pacifique sud. Nos journées sont dorénavant bien rodées. Réveil à 5h00, Justine dégonfle le matelas de son aimé pour le forcer à se lever. Paquetage, petit dej rapide, remplissage de gourdes, on est sur la route avant 6h00. Vers 10h00, il fait trop chaud, on se trouve un coin à l'ombre. On sort les hamacs, pique-nique, sieste et on attend que ça se passe. Reprise à 15h00, nous avons deux heures pour trouver un campement. Dîner gastronomique : pâtes sauce tomate comme tous les soirs. A 20h00 on s'endort sur nos liseuses.

Nous traversons des villes à l'accent gringo. A Jaco, Quepos ou Dominical, de très nombreux occidentaux sont venus s'installer avec leurs dollars. C'est ce côté bling bling et artificiel du Costa Rica qui rebute beaucoup de voyageurs. Est-ce le voyage à vélo ? Pour nous cet aspect négatif est resté à l'ombre (il a bien de la chance!). Et nous continuons de dénicher des plages secrètes et des hôtes bienveillants. Vers Manuel Antonio, nous gardons un œil sur la route, un œil sur les arbres. Pas besoin d'aller dans le parc national voisin, nous voyons des animaux sauvages partout (iguanes, fourmiliers, tatous, coatis, singes et oiseaux multicolores). Manque à l'appel le toucan, emblème national, qui, comme le grizzly d'Alaska, se fait désirer.

Le coût de la vie au Costa Rica frôle celui de la France. Il faut donc faire preuve d'ingéniosité et d'audace pour trouver des bons plans logement en zone urbaine. A Quepos, nous nous en sortons très bien en squattant un champ face à un bel hôtel. En pleurnichant un peu et exhibant nos petites têtes de cyclistes courageux, nous parvenons à attendrir Rebecca la patronne. Dans un élan de générosité, elle nous propose gratos piscine, douche, internet et repos dans le salon de l'auberge. Chut pas un mot ! Cerise sur le gâteau, un paresseux a paraît-il élu domicile dans le champ où nous campons. Nous passons la soirée à guetter la cime des arbres, en vain.
Si le Costa Rica mise beaucoup sur le tourisme vert (avec un certain succès), ce n'est pas la seule économie du pays. En allant vers le sud, nous traversons de gigantesques plantations de palmiers et de tecks. Ici il ne reste pas grand chose de la forêt humide.

Plus loin, les villages se font rares, la route serpente à travers la jungle. Lorsque les camions nous laissent tranquilles, c'est le bonheur d'être à vélo. Nous croisons parfois des compagnons cyclistes qui remontent eux vers le nord. On prend toujours le temps de s'arrêter et d'échanger quelques mots. Un jour, nous rencontrons Marcel. Parti de Toulouse il y a deux ans et demi, il a déjà fait plus de 50,000 kilomètres sur quatre continents. 65 ans et 65 kg de bagages à trimballer. On était prêt à s'arrêter, il nous donne une bonne leçon d'humilité et de courage. Nous repartons de plus belle... Plus loin, ce sont deux Belges, Éloïse et Simon sont en route pour le Mexique. Échange de tuyaux. Comme d'autres avant eux, ils nous découragent de traverser le Panama, la route est encombrée de camions et il fait, parait-il, encore plus chaud (est-ce possible?). Nous nous posons des questions...
Nous passons la frontière Panaméenne le 11 mars après vingt-six jours de pédalage depuis Managua. Les derniers kilomètres jusqu'à la ville de David sont un vrai cauchemar. Sur la quatre voies en travaux, les gros trucks américains nous assourdissent. Nous roulons dans le fossé. Nous arrivons de nuit à l'auberge. Après une douche glacée, nous avons les idées plus claires et prenons le temps de regarder dans le rétro. Avec le vélo, nous avons découvert une autre façon de voyager, qui modifie les échelles de temps et d'espace. Cette lenteur rend possible de belles rencontres, avec les autres et avec soi même. Pourtant une certaine lassitude s'est installée et nous nous sommes découvert des ennemis : le soleil, les camions, le vent, les chiens. Au départ de Mexico, nous pensions faire 4000 kilomètres jusqu'ici. Mais partis du mauvais cale pied et jouant de malchance nous n'avons pas trouvé notre rythme. Nous n'en avons fait que 1500, mais dans quelles conditions ! Nous nous consolons à dire que ça compte double.
Envie de changer de rythme aussi, mais que va-t-on faire de nos montures ? Nous avons d'autres idées derrière la tête...




Cornes d'Auroch

Une pause s'impose

Je t'ai à l'oeil

La grande bouffe

Atterrissage réussi 

Détente à Ometepe

Lavage à grande eau

Salle de jeux

Côte sauvage

En mode Robinson

Fin de journée à Ometepe

Terre des Sabaneros

Pas besoin de hurler gamin

Playa hermosa

Décrassage parmi les singes

Merci qui? Merci Franky!

Plastic-Bernard, cousin du chanteur

Aras Macao

En piste!
Une petite têtée

Normandie tropicale


Ration de secours

Attaque de frégates

Fait faim...

Autopista



Une petite baignade?

Définitivement!

Seul au monde

dimanche 8 mars 2015

Les copains d'abord

Trente-six heures. Trente six heures de bus fumant (et puant) entre Guatemala et Managua. Un cauchemar.
L'option la moins chère (pas la plus simple) pour se rendre à Cuba consistait à rejoindre le Nicaragua et prendre un vol depuis Managua, la capitale. Il nous a donc fallu traverser le Salvador et le Honduras en mode express, ce qui au vu de la réputation sulfureuse de ces deux pays, était une option sage. Toutefois nous avions sous-évalué la rudesse de l'épreuve : 800 kilomètres dans ce qu'on appelle un chicken bus (sorte de boîte de sardine roulante) et trois frontières à traverser. On nous avait annoncé 20 heures de voyage, nous étions prêts. Mais nous jouons de malchance... Avant même la frontière Salvadorienne, au milieu de nulle part, le bus tombe en panne. Sur ces anciens bus scolaires américains reconvertis, le moteur est à l'intérieur. Pendant onze heures, le chauffeur s'improvise mécano et tente de bidouiller la pompe à injection. Nous suivons l'opération, bruits et odeurs comprises. Nous suffoquons. A la surprise générale, le bus reprend sa course folle vers 4h00 du matin, nous n'avons pas dormi. S'ensuit l'épreuve des douanes et son racket organisé. Peu avant Leon, nouvelle panne ! Nous perdons patience, les passagers locaux également, c'est dire ! Mutinerie ! Nous nous organisons pour faire venir des navettes et nous rendre à Leon. Escale forcée d'une nuit dans cette ville coloniale que l'on n'a même pas envie de visiter. Nouveau transfert le lendemain pour notre destination finale, encore trois heures de bus à nos frais.
Nous arrivons éreintés à Managua. Nos vélos n'ont pas plus apprécié le voyage que nous : dérailleur cassé pour Justine, il manque une pédale pour Gautier. 35°C à l'ombre, vent de face, nous enrageons. Un dernier effort de mono-pédalage nous amène chez notre hôte : Elizabeth. Elle est absente pour le moment, mais a laissé sa porte ouverte pour nous. Nous somme évidement en retard. Comble de malheur, elle s'est fait cambriolée pendant ce laps de temps. Bon, allons nous coucher...
Elizabeth est Française, elle a beaucoup voyagé. Elle est installée avec sa fille depuis deux ans au Nicaragua, son pays de cœur. Gentiment, elle accepte de nous héberger pendant notre passage à Managua et de garder nos vélos pendant deux semaines durant notre séjour à Cuba. Un grand merci.
Conscients de tourner une page, nous bouclons notre valise, impatients de retrouver les copains. On à l'impression de partir en vacances (comme si on n'y était pas déjà!).

Nous volons via Panama. En une heure et demie, nous effectuons le trajet qui nous prendra vraisemblablement un mois et demi à parcourir à vélo à notre retour. On fait nos repérages.
A notre arrivée à l'aéroport de la Havane, les taxis se bousculent. Les yeux de Gautier brillent devant ces vieilles dames : Chevrolet, Cadillac et Plymouth des années 50. C'est finalement une vieille Lada qui nous prend, moins glamour ! Direction Habana Centro, dans la casa Aleido où Thomas nous attend. Retrouvailles heureuses et gourmandes, l'ami ayant prit soin de disposer sur notre lit des victuailles réconfortantes : rillettes, pinard, gavottes et autres douceurs au bon beurre. Cela confirme l'adage bien connu : « En vacances, toujours avoir un Thomas avec soi ».
Il nous reste trois jours avant qu'Erwan ne rejoigne la troupe. Nous sommes sous le charme dès nos premières sorties dans la ville. L'atmosphère est clairement particulière. Voitures d'un autre temps (Gautier aperçoit même une Minsk!!), immeubles coloniaux en ruines, commerces inexistants ou presque, et aucune publicité pour trahir le rêveur. A quelle époque sommes nous ?
1959 ? 2015 ? Rien a changé ou presque. Depuis la révolution menée par les idolâtrés commandants Castro, Guevara et Cienfuegos, le pays prospère à sa façon (et à sa vitesse) en suivant l'idéologie communiste. Pour comprendre un peu mieux l'histoire du pays, nous décidons de visiter le musée de la propagande, euh pardon de la révolution.
En soirée, nous sommes un peu déçus, nous rêvions de musique cubaine et de salseros à chaque coin de rue. Rien. On ne nous propose que des soirées toute faites pour touristes avec Buena Vista Social Club qui semble se produire à la même heure dans chaque bar du centre ville ! Dommage. Nous nous consolons autour d'un verre de Havana club dans nos chambres de la Casa Aleido au décor plus que kitsch.

Nous avions réservé une voiture par internet. Attention pas une voiture chinoise, arrivée en masse sur l'île ces dernières années. En bon patriote : une française, une pigeot ! Le loueur tente de nous refourguer un pneu lisse, embargo oblige, il y a pénurie de caoutchouc ! Direction l'aéroport pour aller chercher Erwan. Il n'y a aucun panneau sur la route, mais beaucoup d’auto-stoppeurs. Donnant donnant, les passager nous indiquent la route.
Nous voilà au complet. Nouveau ravitaillement, Erwan nous gâte, dans ses bagages : Comté, saucissons et Pauillac. Sans attendre, nous partons vers l'ouest avec une première escale à Mariel (ville qui avait la particularité de se trouver sur notre carte !). Nous trouvons tant bien que mal une « casa particular », comprenez une chambre d'hôtes. Autorisées depuis quelques années, l'accueil de touristes étrangers permet aux habitants agrées de mettre un peu de beurre dans les épinards (enfin dans le riz, il y a pénurie d'épinard aussi).
Dans cette ville hors du circuit touristique, nous parvenons à trouver un restaurant, chose rare. Ici on paye en CUP et non en CUC, on s'en met plein la panse ! Cuba à la particularité d'avoir deux monnaies, une monnaie nationale (le CUP) et une monnaie pour les touristes, indexée sur le dollar (le CUC). L'usage de cette dernière permet de gonfler les caisses de l'état. Songez que la parité entre le CUP et le CUC est de 1 pour 25. Le touriste non averti paye donc son séjour à Cuba plein pot.

A Viñales, nous trouvons des paysages karstiques et des vallées bucoliques qui nous rappellent le Vietnam. La région est connue pour la culture du tabac, plus marginalement pour celle du café. Nous rencontrons un producteur qui nous offre un cigarillo. Le soir, à la fraîche, dans le rocking chair sous le patio de la casa, nous le crapotons accompagné d'un verre de bordeaux et d'une rosette.
Direction la mer des Caraïbes. Dans la baie des cochons, entre Playa Larga et Playa Giron, nous trouvons le spot parfait. Seuls, nous profitons des eaux cristallines et d'une visibilité hallucinante pour observer la vie marine (superbes coraux, poissons divers et même des calamars). Le lendemain, nous y retournons, accompagnés par le cuistot du coin qui nous vend ses crevettes en guise d’appât. « Seguro de seguro » (sûr de sûr), vous aurez du poisson, je vous le cuisine ce soir. Chouette ! Thomas ayant ramené son matériel d'Allemagne, nous nous mettons à la tâche à marée montante. Au bout de deux heures, nous avons cassé toutes les lignes et perdus les hameçons. Entre deux démêlages de fil, Thomas parviendra quand même à nous en remonter un, mais guère plus gros qu'un anchois, nous le relâchons ! Mauvais pêcheurs mais bon perdants, nous terminons dans l'eau, masque sur le nez, à jeter les dernières crevettes et observer les poissons se régaler. Au moins nous ne vidons pas la mer !

La ville de Trinidad fût fondée en 1514. A la différence des autres villes coloniales de l'île, elle est admirablement bien restaurée. Escale culturelle certes mais pas gastronomique. Comme chaque jour, nous avons droit au fameux arroz congris (riz-péteux) accompagné de crevettes, langouste ou porc, cuisinés de la même manière insipide. Les fruits de mer sont bien sûrs frais, c'est à dire fraîchement sortis du congélateur. C'est à se demander d'où viennent tous ces mets précieux qui sont bien sûr introuvables sur les étals des épiceries d'état ou des quelques supermarchés.
Joyau architectural, Trinidad est qui plus est nichée entre des montagnes verdoyantes et une côte sauvage superbe. Une dose de rhum, trois d'ananas, un trait de coco ; nous sirotons notre piña colada les pieds dans l'eau au couchant.
Nous remontons sur la côte nord et découvrons des provinces quasi vides de villages et grillées par le soleil. Les champs de canne à sucre se succèdent. Nous prenons le temps de nous arrêter sur un chantier de récolte et de discuter avec les ouvriers de la coopérative. Devant nous, trois récolteuses, deux en panne ; derrière sur la route, un attelage de bœufs nous dépasse.

Nous ne sommes pas encore rassasiés d'eau salée et décidons de nous rendre sur l'île de Cayo Coco. Depuis 1988 et la construction d'une gigantesque route-digue de 30 kilomètres, elle est devenue presqu'île. Cayo Coco est aujourd'hui dédiée (sacrifiée) au tourisme. Avec comme cible privilégiée, la clientèle occidentale (principalement Canadienne). A tel point que l'île est même interdite aux citoyens Cubains, ce qui engendre un léger malaise au moment de passer le péage et de présenter nos passeports.
Nous avons le choix entre deux types d'hébergement. Soit les grands hôtels « all included », ni notre style, ni notre budget (de toute façon ils sont tous complets). Soit des hôtels gouvernementaux bas de gamme, déjà délabrés avant même d'être achevés. L'hôtel Azul où nous débarquons est un fiasco complet. Rien ne marche dans la chambre, le personnel est apathique et le service lamentable. On touche le fond le lendemain matin au petit-déjeuner (inclus!). Les finances de l'établissement doivent être dans le rouge : pain de mie, beurre périmé, vache qui rit (pas nous). En boisson : bière ou Fanta, « oui nous n'avons plus de jus de fruit », désespère la serveuse. Scène pathétique révélatrice : dans un coin de la salle à manger, sur une table bancale, deux employées s'occupent à dédoubler des serviettes en papier. Pénurie de cellulose !
Les plages de l'île sont en effet paradisiaques si l'on omet les grues et les barres d'immeubles en construction. Une escale un peu décevante malgré les bonnes parties de rigolade.
Nous longeons la côte nord et faisons arrêt dans la sympathique ville de Caibarien. Bâtiments anciens, couleurs pastelles et peintures écaillées. C'est le rire des enfants et le son chaud des cuivres qui donnent vie à cette carte postale. Ça on aime bien.

Le voyage touche à sa fin pour Thomas. Pour sa dernière nuit, nous nous offrons un séjour en hôtel-balnéo. On ne sera pas déçus du voyage !
L'hôtel de Baños de Elguea annonce 150 chambres. Nous sommes seuls. Il y a bien du monde au bar... Ah non ce sont des employés ! Nous passons cette dernière soirée tous ensemble à jouer aux cartes autour de la dernière bouteille de Mercurey. Le lendemain, c'est le jour des soins. Le personnel nous accueille avec un sourire crispé, content d'avoir des clients mais que peut-on leur proposer ? Nous suivons le choix (l'a-t-on vraiment?) de la conseillère santé : bain de boue + jet + massage. Dehors dans le vent, on commence par nous badigeonner au pinceau de peinture une boue noire nauséabonde. Nous entamons une ronde de séchage autour de la piscine vide en se demandant bien ce qui nous attend. La salle de jet étant hors service, on nous expédie dans une fosse où de l'eau tout droit sortie de la mangrove nous plaque contre le mur. On se sent comme des petits gorets à la recherche d'un filet d'eau pour se débarbouiller. Nous sommes morts de rire. Ernesto esquisse un sourire. Grand noir musclé d'un mètre quatre-vingt-dix, c'est lui le masseur. En parfaits gentlemen, les trois gars laissent passer Justine en cobaye. Nous repartirons de cette matinée spa, un peu abasourdis. A défaut de thalasso nous avons eu de la rigolo-thérapie.

Nous déposons Thomas à l'aéroport de Varadero. Adios amigo ! A trois dans la voiture, nous avons de nouveau de la place pour les auto-stoppeurs.
A Matanzas, nous faisons deux belles rencontres. Dans un français parfait, Leodanis nous explique sa vision de la politique locale. Comme beaucoup de Cubains, il est patriote et fier du système éducatif, du système de santé et de l'absence de crime dans son pays. Nous l'invitons à manger, mais officiellement c'est lui qui nous régale afin que nous puissions régler en monnaie locale. La serveuse se doute de la combine et tire une tronche de trois mètres. Au hasard d'une rue, nous tombons sur un atelier d'artistes. Manuel Hernandez expose son dernier travail inspiré par la vie rurale cubaine. Nous discutons histoire, politique et actualités autour d'un petit café gentiment offert. Une fois de plus, nous sommes bluffés par l'ouverture d'esprit et le savoir des Cubains qui vivent pourtant coupés d'internet.

La boucle est bouclée. 2200 bornes au compteur. Nous voilà de retour à la Havane. Nous laissons Erwan, le muchacho, se dépatouiller dans la langue du Che « Es posible de haber una cerveza ?! ». Un grand merci à Thomas et à Erwan d'avoir répondu présents. Une pensée pour tous les autres copains qui nous manquent bien.
Nous repartons vers le Nicaragua plein d'énergie pour de nouvelles aventures qui s'annoncent sportives.



1950?

Incygne de voiture


Commandants adorés du peuple

Hasta la victoria siempre

W vu par les Cubains

Lumière du vieux Havane

Vous avez dit kitsch?


Pénurie de panneaux!

Il est gentil le p'tit cerdo!

Bucolique Vinales

Producteur de tabac

Silence ça sèche

On se croirait à Dieppe!

Perspective trompeuse : Thomas et sa sardine!

On y a pourtant mit du coeur

Un matin à Trinidad

Sous le charme

Au piquet?

Voyage dans le temps

Le Bab se fait un bib!

Moins fiable que les boeufs

Flamingos à Cayo Coco

Trois copains sous les tropiques

Bienvenido al paraiso


La fine équipe

Style Manuel Hernandez

La relève

Instant artistique

Dernier taxi