La Margarita et Thalassa
ont fait peau neuve. Nettoyage, graissage, réglages aux petits
oignons, nous récupérons nos vélos comme neufs. Ils sont prêts,
tout comme nous. Prêts pour enfin enchaîner les journées de
pédalage. Notre objectif : ne pas mettre un pied dans le bus
jusqu'à Panama.
C'est ainsi que nous
partons de bon matin en direction de Granada, ville coloniale sur les
bords du lac Nicaragua. Au milieu de cette énorme étendue d'eau
semblable à la mer, émerge l'île d'Ometepe, curiosité géologique
rare avec ses deux volcans. Nous comptons nous y rendre en ferry mais
celui-ci ne part que dans trois jours. Ne voulant pas couper notre
élan, nous préférons rejoindre l'embarcadère de Rivas et y
emprunter le bateau quotidien. De plus, l'ambiance froide et presque
hostile de Granada ne nous inspire guère.
Après quelques
kilomètres sur des routes tranquilles, nous débouchons sur la
célèbre route Panaméricaine, bande d'asphalte de 25,000
kilomètres reliant l'Alaska à la Patagonie. Au centre, le Panama,
qui comme la partie centrale d'un sablier concentre tout le trafic
venant du nord et du sud. Déjà au Nicaragua, la circulation se
densifie. Rajouter à cela l'absence de bas côté et la conduite
inconsciente des chauffeurs routiers, c'est pas le pied ! Voilà
que le vent s'en mêle, ça devient franchement flippant. Il faut se
rendre à l'évidence, nous n'arriverons pas à Rivas ce soir, il
nous faut trouver un campement pour la nuit. Dans ces plaines sèches
vouées à l'élevage, nous misons sur la solidarité paysanne. Nous
interpellons deux gardiens armés à l'entrée d'une hacienda. De
méfiants, ils deviennent curieux puis généreux. Les coups de fils
au patron se multiplient, on nous offre d'abord de dormir dans une
étable abandonnée en bord de route, puis dans une pâture bien
verte, enfin dans l'hacienda même. Royal !
Au terme d'une nouvelle
journée parmi les camions, nous parvenons à rejoindre l'île
d'Ometepe. Nous y trouvons une ambiance plus accueillante et des
routes tranquilles. L'île invite à l'exploration, nous décidons
d'en faire le tour. Les deux jours prévus pour couvrir la centaine
de kilomètres de piste se transforment en six. Nous nous attardons
principalement sur la partie orientale du volcan Maderas,
qui avec ses belles forêts, ses plages secrètes et ses petits
villages paisibles nous charme. Au quatrième soir, coup de fringale
pour Justine. Solution radicale : la pause Coca. Ça ne suffit
pas, l'épicier-médecin préconise du repos. Il nous offre
l'hospitalité. Nous plantons notre tente dans la cour et devenons
rapidement l'attraction du village. Sentiment étrange, sur nos
vélos, nous trimballons plus de richesses qu'il y en a dans
la maison de nos hôtes. Les enfants n'ont jamais vu de chambre
pliable et lorsqu'on leur montre nos matelas gonflables, leurs yeux
brillent. A la tombée de la nuit, les parents viennent à notre
rescousse pour faire sortir tout ce petit monde de la tente. Ils nous
apportent un bon repas, des fruits frais et l'assurance d'une nuit
tranquille. Au petit matin, nous quittons nos généreux hôtes. Une
poignée de main respectueuse à la grand-mère, elle nous
demande : « Quand revenez-vous ? ». Nous
repartons le cœur plus doux.
On s'autorise encore une
nuit sur la belle Ometepe avant de reprendre le ferry. Nous profitons
des vues splendides sur les volcans, des baignades dans les cascades
d'eau fraîche et d'un coucher de soleil rougeoyant. Nous nous
apprêtons à quitter un petit coin de paradis.
La route jusqu'à la
frontière Costaricaine
ne s'annonce pas comme une partie de plaisir, nous décidons de
couvrir l'étape d'une traite. Nous longeons la rive occidentale du
grand lac, sur des dizaines de kilomètres s'alignent des éoliennes
modernes. Un autre grand projet va bientôt venir chambouler le
paysage : un canal financé par les Chinois (pour concurrencer
celui de Panama). Quid
des réels impacts économiques et environnementaux ? Le sujet
fait couler de l'encre.
C'est dimanche, nous
passons la frontière sans
encombre. Premiers tours de roue au Costa Rica, nous sommes
charmés. Des bas-côtés propres, la vue qui porte loin vers les
volcans et des animaux sauvages pour nous saluer. La fin de journée
est plus éprouvante, il fait un vent à déplumer les toucans et
nous sommes parfois obligés de mettre pied à terre pour ne pas
s'envoler. Nous faisons étape à La Cruz où nous dénichons une
auberge. La patronne nous annonce des rafales de vent à 180 km/h, on
craint le pire pour le lendemain.
Tant bien que mal, nous
arrivons à Liberia. Une escale s'impose. Gautier a crevé quatre
fois en cent kilomètres. Nous changeons les pneus et installons deux
nouvelles gourdes par vélo. En effet, si le vent faiblit, la chaleur
s’intensifie. Ça ne fait que commencer.
Voilà un moment que nous
n'avons pas vu notre cher océan pacifique, fil rouge de notre
voyage. Les retrouvailles se font à Playa Hermosa, qui porte bien
son nom. Escale fraîcheur trop courte dans le grand bleu, nous
repiquons dans l'arrière pays, terre des « Sabaneros ».
C'est ainsi que l'on nomme les éleveurs locaux, cavaliers hors pair
et manieurs de lassos.
Peu avant Santa Cruz, on
atteint des sommets de chaleur. L'eau fraîche puisée une heure
auparavant s'est transformée en thé. Sur le pas de sa porte, une
dame nous fait de grands signes. Elle nous invite à nous reposer au
bord de sa piscine. Voilà qui donne le tempo, désormais entre 10h00
et 15h00, nous passerons en mode sieste !
Luis Angel a la
soixantaine bien tassée. Il vend des jus
d'orange pressée au bord de la route pour compléter sa
maigre retraite. Stratégiquement placé : dans une côte, à
quinze kilomètres du premier village. Nous sommes des proies
faciles, on s'engloutit un litre de jus vitaminé. Comme il se fait
tard, nous lui demandons d'un air innocent s'il connaît un endroit
où nous pourrions planter notre tente... Nous installons notre
campement dans son jardin, les hamacs tendus entre deux pilotis de la
maison. L'ami nous indique un petit chemin qui mène en contrebas à
un ruisseau d'eau claire. Idéal pour évacuer les émotions et les
efforts de la journée. Nous nous décrassons et lavons nos fringues,
avec sur nos visages, le sourire béat du sportif satisfait. Soudain,
un singe hurleur se montre. Puis deux. Puis trois. Puis une douzaine
qui nous épient. Sommes nous sur leur territoire ? On n'ose
plus bouger, partagés entre fascination et intimidation. Nous
restons là un moment à s'observer mutuellement. Le soleil se
couche, les bruits de la jungle s'intensifient, il est temps de
remonter. Nous allons faire de beaux rêves.
Nous espérons retrouver
l'océan à Playa Samara. Synonyme de fraîcheur on l'espère. Que
nenni, il fait encore plus chaud qu'hier. On cuit ! En haut
d'une côte, un motard nous double et nous fait signe de nous arrêter
(on allait déjà pas bien vite). C'est Franky. Il nous a vu dans la
vallée et veut nous payer un coup. Trop sympa, il nous redonne de
l'énergie pour continuer la route.
Nous sommes exténués en
arrivant à Playa Samara. Le bain de mer est salvateur. Nous campons
au bord de l'eau et planifions la suite. Nous avons l'intention de
suivre la piste qui longe la côte. Il nous faudra plusieurs jours
pour couvrir une petite centaine de kilomètres. Le sentier est
compliqué, poussiéreux. Il faut traverser des rivières à guet,
pousser nos vélos dans les côtes aux pentes infernales et le four
affiche thermostat 7. Mais quelles récompenses chaque soir à
l'installation du campement dans des endroits idylliques. Nous
arrivons de nuit à Playa Islita et posons notre tente au hasard sur
la plage déserte. Nous nous amusons du spectacle de centaines de
bernard l'hermite qui
convergent vers l'estran. Aux aurores, deux hommes en bottes équipés
de sacs à dos ratissent la plage. Louche ! Nous nous levons peu
après et découvrons à une vingtaine de mètres de chaque côté de
notre campement des traces suspectes. Après investigation, pas
de doute, des tortues marines sont venues pondre à deux pas
de notre tente. Zut, on a raté l'événement. Mais bien plus grave,
les nids viennent d'être pillés ! En levant le camp, nous
apercevons deux aras rouges magnifiques qui viennent nous redonner le
sourire.
Nous venons d’enchaîner
sept journées de vélo, nous nous trouvons une petite auberge pour
une journée complète de repos bien méritée. Clim à fond,
barbouillés de biafine, nous regardons le XV de France se prendre
une déculottée par les Gallois.
Au petit jeu des plus
belles plages, nous tombons d'accord. Playa Bejuco : 10/10. Il y
a tout : une longue plage de sable argenté, des rochers aux
formes torturées, une mer bleu azur et la jungle qui tombe à ses
pieds. Nous nous y attardons pour une partie de pêche. Comme nous
vous y avons habitués, chers lecteurs, nous repartons les mains
vides. L'heure du déjeuner approchant, nous décidons de faire cuire
les appâts restants ! Une famille nous prend en pitié et nous
fait partager son pique-nique dominical (langoustes, poissons et
salade fraîche).
Nous quittons le sentier
côtier à San Francisco de
Coyote et retrouvons les terres brûlantes des dompteurs de
vaches. A Dominicas, c'est Oscar qui nous accueille dans sa très
modeste demeure. Soixante-dix ans et toutes ses dents, son secret
santé : tartines miel/ail au petit déjeuner. « C'est bon
pour le système immunitaire », nous dit-il. Moins pour
l'haleine, pensons nous.
Instit à la retraite, c'est un puits de savoir et il s'intéresse à
notre aventure. Il nous parle des côtés obscurs de son pays, la
corruption du gouvernement, la
flambée de l'immobilier engendrée par l'investissement
étranger, etc. De notre court séjour dans ce beau pays, nous
préférons retenir que les mots hospitalité et générosité ont du
sens ici. Oscar nous réveille au clairon à 5h00, véridique. Il
nous gave de fruits, nous refusons les tartines ! Merci. Adieu.
Nous quittons la
péninsule de Nicoya, qui a tenu toutes ses promesses. Direction
Puntarenas et la côte pacifique sud. Nos journées sont dorénavant
bien rodées. Réveil à 5h00, Justine dégonfle le matelas de son
aimé pour le forcer à se lever. Paquetage, petit dej rapide,
remplissage de gourdes, on est sur la route avant 6h00. Vers 10h00,
il fait trop chaud, on se trouve un coin à l'ombre. On sort les
hamacs, pique-nique, sieste et on attend que ça se passe. Reprise à
15h00, nous avons deux heures pour trouver un campement. Dîner
gastronomique : pâtes sauce tomate comme tous les soirs. A
20h00 on s'endort sur nos liseuses.
Nous traversons des
villes à l'accent gringo. A Jaco, Quepos ou Dominical, de très
nombreux occidentaux sont venus s'installer avec leurs dollars. C'est
ce côté bling bling et artificiel du Costa Rica qui rebute beaucoup
de voyageurs. Est-ce le voyage à vélo ? Pour nous cet aspect
négatif est resté à l'ombre (il a bien de la chance!). Et nous
continuons de dénicher des plages secrètes et des hôtes
bienveillants. Vers Manuel Antonio, nous gardons un œil sur la
route, un œil sur les arbres. Pas besoin d'aller dans le parc
national voisin, nous voyons des animaux sauvages partout (iguanes,
fourmiliers, tatous, coatis,
singes et oiseaux multicolores). Manque à l'appel le toucan, emblème
national, qui, comme le grizzly d'Alaska, se fait désirer.
Le coût de la vie au
Costa Rica frôle celui de la France. Il faut donc faire preuve
d'ingéniosité et d'audace pour trouver des bons plans logement en
zone urbaine. A Quepos, nous nous en sortons très bien en squattant
un champ face à un bel hôtel. En pleurnichant un peu et exhibant
nos petites têtes de cyclistes courageux, nous parvenons à
attendrir Rebecca la patronne. Dans un élan de générosité, elle
nous propose gratos piscine, douche, internet et repos dans le salon
de l'auberge. Chut pas un mot ! Cerise sur le gâteau, un
paresseux a paraît-il élu domicile dans le champ où nous campons.
Nous passons la soirée à guetter la cime des arbres, en vain.
Si le Costa Rica mise
beaucoup sur le tourisme vert (avec un certain succès), ce n'est pas
la seule économie du pays. En allant vers le sud, nous traversons de
gigantesques plantations de palmiers et de tecks.
Ici il ne reste pas grand chose de la forêt humide.
Plus loin, les villages
se font rares, la route serpente à travers la jungle. Lorsque les
camions nous laissent tranquilles, c'est le bonheur d'être à vélo.
Nous croisons parfois des compagnons cyclistes qui remontent eux vers
le nord. On prend toujours le temps de s'arrêter et d'échanger
quelques mots. Un jour, nous rencontrons Marcel. Parti de Toulouse il
y a deux ans et demi, il a déjà fait plus de 50,000 kilomètres sur
quatre continents. 65 ans et 65 kg de bagages à trimballer. On était
prêt à s'arrêter, il nous donne une bonne leçon d'humilité et de
courage. Nous repartons de plus belle... Plus loin, ce sont deux
Belges, Éloïse et
Simon sont en route pour le Mexique. Échange de tuyaux. Comme
d'autres avant eux, ils nous découragent de traverser le Panama, la
route est encombrée de camions et il fait, parait-il, encore plus
chaud (est-ce possible?). Nous nous posons des questions...
Nous passons la frontière
Panaméenne le 11 mars après vingt-six jours de pédalage depuis
Managua. Les derniers kilomètres jusqu'à la ville de David sont un
vrai cauchemar. Sur la quatre voies en travaux, les gros trucks
américains nous assourdissent. Nous roulons dans le fossé. Nous
arrivons de nuit à l'auberge. Après une douche glacée, nous avons
les idées plus claires et prenons le temps de regarder dans le
rétro. Avec le vélo, nous avons découvert une autre façon de
voyager, qui modifie les échelles de temps et d'espace. Cette
lenteur rend possible de belles rencontres, avec les autres et avec
soi même. Pourtant une certaine lassitude s'est installée et nous
nous sommes découvert des ennemis : le soleil, les camions, le
vent, les chiens. Au départ de Mexico, nous pensions faire 4000
kilomètres jusqu'ici. Mais partis du mauvais cale pied et jouant de
malchance nous n'avons pas trouvé notre rythme. Nous n'en avons fait
que 1500, mais dans quelles conditions ! Nous nous consolons à
dire que ça compte double.
Envie de changer de
rythme aussi, mais que va-t-on faire de nos montures ? Nous
avons d'autres idées derrière la tête...
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Cornes d'Auroch |
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Une pause s'impose |
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Je t'ai à l'oeil |
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La grande bouffe |
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Atterrissage réussi |
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Détente à Ometepe |
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Lavage à grande eau |
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Salle de jeux |
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Côte sauvage |
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En mode Robinson |
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Fin de journée à Ometepe |
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Terre des Sabaneros |
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Pas besoin de hurler gamin |
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Playa hermosa |
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Décrassage parmi les singes |
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Merci qui? Merci Franky! |
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Plastic-Bernard, cousin du chanteur |
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Aras Macao |
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En piste! |
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Une petite têtée |
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Normandie tropicale
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Ration de secours |
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Attaque de frégates |
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Fait faim... |
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Autopista |
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Une petite baignade? |
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Définitivement! |
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Seul au monde |